Les deux derniers prisonniers américains en Corée du Nord ont été libérés à la faveur d'une mission secrète sans précédent à Pyongyang du patron du renseignement américain, ont annoncé samedi les États-Unis.

Le président américain Barack Obama a salué «un jour merveilleux» après l'annonce de l'élargissement de Kenneth Bae et de Matthew Todd Miller, les deux derniers Américains qui étaient détenus officiellement en Corée du Nord après avoir été condamnés à de lourdes peines de travaux forcés.

C'est le directeur du renseignement national (DNI) James Clapper en personne qui est venu chercher les deux hommes, qui étaient en route samedi vers les États-Unis, a précisé le DNI dans un communiqué.

James Clapper s'est rendu en Corée du Nord et a engagé, «au nom des États-Unis, des discussions avec la République populaire de Corée du Nord pour la libération de ces deux ressortissants américains», a précisé le département d'État, sans dire quand la mission secrète avait commencé.

Selon un haut responsable américain, M. Clapper s'est rendu en Corée du Nord comme l'«émissaire personnel» du président américain.

Ces deux libérations interviennent deux semaines après celle surprise d'un autre Américain, Jeffrey Fowle. Il n'y a ainsi officiellement plus d'Américains prisonniers en Corée du Nord.

«C'est un jour merveilleux pour eux et pour leur famille», s'est exclamé le président Obama depuis la Maison-Blanche à quelques heures de son voyage vers Pékin, allié de Pyongyang.

«Nous sommes naturellement reconnaissants qu'ils puissent rentrer sains et saufs», a-t-il dit sans remercier précisément la Corée du Nord, bête noire des États-Unis, notamment en raison de son programme nucléaire. Les deux pays n'entretiennent pas de relations diplomatiques, mais ont toutefois des échanges via la Suède et un canal de communication, bien connu des diplomates, au siège des Nations unies à New York.

De son côté, la diplomatie américaine s'est «félicitée que Kenneth Bae et Matthew Todd Miller aient été libérés par la République populaire de Corée du Nord où ils étaient retenus depuis respectivement deux ans et sept mois».

La soeur de M. Bae, Terri Chung, a remercié dans un communiqué «Dieu (...) et le gouvernement des États-Unis» pour la libération de son frère. Elle a aussi exprimé sa «reconnaissance à la Corée du Nord».

Kenneth Bae, un Américain de 46 ans, originaire de Corée du Sud, et en mauvaise santé, avait été emprisonné en novembre 2012 et condamné à 15 ans de travaux forcés en avril 2013. Il était accusé d'être un militant chrétien évangéliste cherchant à renverser le gouvernement nord-coréen.

Matthew Todd Miller, âgé de 24 ans, avait de son côté été condamné à six ans de travaux forcés par la Cour suprême de Corée du Nord à la suite de son arrestation en avril, après qu'il eut déchiré son visa et demandé l'asile auprès du régime communiste.

«Les États-Unis demandaient depuis longtemps aux autorités nord-coréennes de libérer ces personnes pour des raisons humanitaires», a précisé la porte-parole de la diplomatie américaine, Jennifer Psaki.

Pas de contrepartie

Comme pour la libération de M. Fowle, les États-Unis ont affirmé n'avoir rien concédé pour la remise en liberté des deux hommes.

«Il n'y a pas eu de contrepartie», a assuré un haut responsable du département d'État.

«Mais en tout état de cause, la Corée du Nord doit choisir entre prendre des décisions positives qui peuvent mener à une nouvelle relation avec les États-Unis et le reste du monde ou prendre des décisions qui vont dans la direction opposée et ne mèneront qu'à un plus grand isolement», a dit ce diplomate.

Depuis l'arrestation des trois Américains, Washington n'avait de cesse d'exiger leur libération, accusant Pyongyang d'utiliser ces détenus comme des otages politiques.

Après les refus répétés du régime nord-coréen de négocier avec les Américains, la libération le mois dernier de M. Fowle avait surpris de nombreux observateurs.

Interrogé par CNN, l'ancien ambassadeur américain en Corée du Sud Christopher Hill a vu dans ces remises en liberté un «geste significatif» de Pyongyang «semble-t-il sans conditions».

«Cela pourrait signifier que l'exécutif nord-coréen est enclin à explorer la possibilité de reprendre le dialogue avec les États-Unis», a avancé Paul Carroll, un expert de ce pays au sein du Ploughshares Fund à San Francisco.

Le département d'État a une nouvelle fois samedi mis en garde leurs ressortissants contre tout voyage en Corée du Nord.

L'envoi d'émissaires de Washington a commencé dans les années 1990 au gré des arrestations d'Américains en Corée du Nord. Les anciens présidents Bill Clinton et Jimmy Carter s'y sont par exemple rendus lors de missions humanitaires. Mais celle de M. Clapper est la première d'un très haut responsable du renseignement américain en fonctions.