Après la défaite démocrate aux élections de mardi, Barack Obama va devoir composer avec un Congrès contrôlé par des républicains très critiques de sa politique étrangère, notamment sur l'Iran, mais les pouvoirs des parlementaires sont limités.

Outre la guerre contre le groupe État islamique, le programme nucléaire de Téhéran est sans conteste le premier dossier de politique étrangère à l'ordre du jour du prochain Congrès, alors que les négociations avec les puissances du P5+1 doivent, en théorie, se conclure le 24 novembre.

Barack Obama a jusqu'à présent eu les mains libres. Grâce à ses alliés démocrates du Sénat, il a réussi à arrêter les projets de nouvelles sanctions avancés par les élus sceptiques de la bonne foi des Iraniens. Un Sénat contrôlé par les républicains n'aura pas la même déférence, si le président américain acceptait de prolonger les négociations au-delà de novembre.

«Il est difficile d'imaginer qu'une extension (des négociations) puisse être acceptable par le Congrès sans des conséquences contre l'Iran», confie un haut collaborateur républicain au Congrès à l'AFP. «Il existe un consensus assez fort à Washington, selon lequel l'Iran n'est pas assez sous pression».

Selon ce responsable, les parlementaires des deux partis discutent activement en coulisses pour agir, une fois que le nouveau Congrès aura pris ses fonctions, en janvier.

«Si (...) les négociations sont prolongées sans résultat concret, je pense que les républicains vont agir, sous une forme ou une autre», prédit Mark Dubowitz, un expert partisan de sanctions renforcées et qui a ses entrées au Congrès.

Un texte en sommeil, préparé par le président démocrate de la commission des Affaires étrangères, Robert Menendez, et le républicain Mark Kirk, pourrait servir de socle, selon lui: il imposerait des sanctions «automatiques» contre l'Iran à une date prédéterminée en cas d'échec des négociations, afin d'empêcher Téhéran de jouer la montre.

«Les élus vont hurler»

Mais peu s'attendent à ce que Barack Obama demande l'aval du Congrès. «Il ne va pas laisser une bande de sénateurs et de parlementaires lui gâcher son rendez-vous avec l'histoire», estime Mark Dubowitz à l'AFP, ce qui pourrait conduire à un affrontement dès les débuts du nouveau Congrès.

«Les élus vont hurler dans tous les sens, c'est sûr, et ils vont sûrement essayer de voter un renforcement des sanctions et de dire non à l'administration», admet le professeur de relations internationales Gordon Adams, à l'American University, qui a travaillé à la Maison-Blanche sous Bill Clinton.

«Mais il y a un problème: le président mettra son veto», dit-il à l'AFP. Au final, selon l'expert, «le Sénat ne détermine pas la politique, il supervise et critique».

Le secrétaire d'État, John Kerry, ancien président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, a rappelé que le Sénat fonctionnait principalement avec une majorité qualifiée de 60 voix sur 100. Or le groupe républicain ne comptera qu'entre 52 et 54 élus, une fois les derniers résultats connus. A condition d'être uni, le groupe démocrate pourra bloquer toute initiative républicaine.

«Comme nous l'avons vu ces dernières années, la minorité a un pouvoir énorme pour empêcher les choses de se produire», a déclaré John Kerry mercredi depuis Paris.

Les républicains utiliseront également le Sénat comme une plateforme pour critiquer la stratégie de l'administration contre les jihadistes de l'EI en Irak et en Syrie, même s'ils partagent le but final, selon William McCants, de la Brookings Institution.

«Ils vont remettre en cause ce qu'a fait l'administration pour armer les rebelles, et exprimer leur scepticisme», explique-t-il à l'AFP.

Les parlementaires ont donné à l'exécutif américain jusqu'au 11 décembre pour présenter une stratégie convaincante: c'est la date à laquelle expire l'autorisation parlementaire du plan d'entraînement des rebelles syriens modérés, adopté en urgence en septembre.

Mais les républicains, comme les démocrates, ne parlent pas tous d'une même voix, entre les faucons proches de John McCain et les élus moins enclins aux opérations extérieures.

Un débat sur une autorisation parlementaire de recours à la force n'aura pas lieu avant janvier, selon le président de la Chambre, John Boehner. A quoi servira-t-il?

«Le Congrès ne peut pas forcer l'administration à être plus agressive», juge Gordon Adams. Le débat sur l'usage de la force «sera organisé de façon à pointer du doigt l'incompétence de l'administration».