Le taux de chômage est passé de 10,2% à 5,9%. Le déficit a chuté de 50%. L'économie a ajouté 5,5 millions d'emplois en six ans, soit quatre fois plus que durant les deux mandats de George W. Bush à la présidence. Et le produit intérieur brut a bondi à un taux annualisé de 3,5% au cours du dernier trimestre.

Voilà des données économiques qui auraient dû aider les candidats démocrates dans leurs campagnes électorales, n'est-ce pas? On ne le saura probablement jamais, car ces derniers ont fait l'impasse sur le sujet. Barack Obama est la seule figure importante de son parti à s'en être félicité, mais son nom n'apparaîtra pas sur les bulletins de vote mardi à l'occasion des élections de mi-mandat aux États-Unis.

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«Ce pays a fait des progrès réels depuis la pire crise économique que nous ayons connue de notre vivant», a déclaré le président américain jeudi lors d'un discours à Portland, dans le Maine, où il s'est dit «mélancolique» à l'idée de participer à la dernière campagne électorale de sa carrière politique.

Il est certain que Barack Obama n'est pas seulement habité par la mélancolie ces jours-ci. À moins d'une surprise, son parti perdra la majorité au Sénat, un résultat qui sera attribué en bonne partie à son impopularité.

En vérité, le président est «un peu frustré» de la campagne menée par les candidats démocrates au Sénat, selon son ancien stratège David Axelrod, qui s'est confié au Washington Post. Non seulement ceux-ci ont négligé de défendre son bilan économique, mais certains d'entre eux ont également tout fait pour ne pas avoir à dire publiquement qu'ils avaient voté pour lui en 2008 et 2012.

«Je respecte le caractère sacré de l'urne», a notamment déclaré Allison Lundergan Grimes, candidate démocrate au Kentucky, refusant de répondre à trois questions sur le sujet lors d'une rencontre avec l'équipe éditoriale du Courier-Journal de Louisville.

Ce sauve-qui-peut général n'est pas tout à fait incompréhensible. Plusieurs candidats démocrates briguent ou défendent des sièges au Sénat dans des États conservateurs où le nom de Barack Obama a toujours été radioactif. D'autres font campagne dans des États plus disputés, dont le Colorado, l'Iowa et le New Hampshire, où la popularité du locataire de la Maison-Blanche a chuté depuis l'élection présidentielle de 2012.

Des crises qui collent au président

Une chute attribuable en partie à diverses crises, dont la montée du groupe État islamique, la réponse des autorités sanitaires américaines à l'Ebola et l'afflux de mineurs clandestins à la frontière avec le Mexique, crises qui ont permis aux républicains de mettre en cause, à tort ou à raison, la compétence du président.

Cette chute de popularité n'est pas non plus étrangère à un malaise parmi la classe moyenne concernant l'économie. Malgré l'amélioration de plusieurs indicateurs, la rémunération de millions d'Américains a stagné ou diminué au cours des dernières années.

D'où la décision de nombreux candidats démocrates d'éviter de se vanter des progrès économiques réalisés sous Barack Obama.

Mais cette distanciation aura été d'une efficacité douteuse. Elle n'a certainement pas empêché les républicains d'associer leurs adversaires à Barack Obama et à ses politiques. Et elle a confiné les démocrates à une position défensive, alors qu'ils auraient pu passer à l'attaque en accusant notamment les républicains d'avoir contribué à la compression des revenus par leur refus d'augmenter le salaire minimum fédéral ou de stimuler encore davantage l'économie au moyen d'investissements dans les infrastructures.

Cette approche plus énergique, Barack Obama aura été à peu près le seul à l'adopter en cette saison électorale.

«Il faut que les républicains au Congrès cessent de bloquer la hausse du salaire minimum et donnent une augmentation à l'Amérique!», a-t-il lancé vendredi lors d'un déplacement à Providence, dans le Rhode Island. «Si le salaire minimum passait à 10,10$ de l'heure, quelque 28 millions d'Américains en profiteraient.»

Mais la dernière campagne de Barack Obama se soldera vraisemblablement par un échec qui compliquera encore davantage sa tâche au cours de ses deux dernières années à la Maison-Blanche.

Et on ne saura jamais si le résultat des élections de mi-mandat aurait été différent si les candidats démocrates avaient défendu le bilan du président avec autant d'enthousiasme qu'un Paul Krugman, par exemple. Dans le plus récent numéro du magazine Rolling Stone, le chroniqueur du New York Times et prix Nobel d'économie range Barack Obama parmi les «plus grands présidents des États-Unis», saluant sa réforme de la santé («certes imparfaite, mais qui représente un grand pas en avant»), sa réforme du système financier, sa gestion économique («meilleure que celle de bien des pays occidentaux») et sa politique environnementale.

Dans les prochains jours, Barack Obama pourra toujours lire l'article du Rolling Stone pour se consoler.