Bien que le président Barack Obama s'oppose à ce que des personnes détenues par les États-Unis soient soumises à la torture, son administration rechigne à reconnaître la pleine portée du traité onusien visant à interdire de telles pratiques.

Une vive discussion interne a cours en prévision du passage, le mois prochain à Genève, d'une délégation qui doit rendre compte de l'application par Washington des dispositions de la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le comité chargé de l'application de la convention a notamment demandé au pays s'il reconnaît que l'interdiction de la torture s'applique également à ses opérations outremer.

L'enjeu est crucial, notamment pour les membres des services de renseignements américains et de l'armée qui ont torturé de présumés terroristes dans des prisons aménagées à l'étranger dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Selon le New York Times, le département d'État souhaite que l'administration reconnaisse clairement à Genève que le traité rend illégal le recours à la torture en sol américain, mais aussi hors de ses frontières.

Des discussions à ce sujet ont eu lieu la semaine dernière lors d'une réunion interne regroupant des représentants du Pentagone, des services de renseignements et de la Maison-Blanche qui n'a pas permis de dégager un consensus.

Il s'agit de la première fois, depuis que le président Obama est au pouvoir, que l'administration américaine est appelée à rendre des comptes devant le Comité contre la torture.

Aucune base légale

Le président Obama, voulant rompre avec l'héritage de l'administration de George W. Bush, avait adopté un décret peu après son arrivée au pouvoir en 2009 afin d'assurer la légalité des interrogatoires pratiqués par le personnel américain.

Le décret en question précisait que toute personne détenue par les États-Unis ne pouvait être soumise à la torture ou à un traitement cruel ou inhumain.

Dans un long avis juridique, le principal conseiller juridique du département d'État, Harold Koh, a conclu en 2013 que l'administration ne disposait d'aucune base légale pour conclure que le traité ne s'applique pas aux opérations extraterritoriales.

«Quand on prend l'engagement de ne pas torturer, ça ne s'arrête pas à la frontière», relève en entrevue Michael Posner, qui a travaillé sur la question des droits de l'homme au sein du département d'État de 2009 à 2013.

M. Posner, qui enseigne aujourd'hui à la New York University, estime que le président américain demeure convaincu que la torture doit être «catégoriquement» proscrite pour le personnel américain, dans le pays comme à l'étranger.

Le débat interne en cours ne vise d'aucune manière à revenir à des pratiques d'interrogatoire abusives, note le spécialiste, qui juge crucial pour les États-Unis de reconnaître la portée extraterritoriale du traité.

«Si l'on reconnaît que c'est une obligation légale plutôt qu'une simple politique, c'est beaucoup plus difficile de revenir en arrière si un nouveau gouvernement arrive au pouvoir», note-t-il.

M. Posner pense que l'administration actuelle n'a pas le choix de procéder en ce sens si elle veut pouvoir se poser en modèle sur la question des droits de l'homme. «Il faut mener par l'exemple», conclut le professeur.

Fermer d'un coup Guantanamo?

Le président américain Barack Obama, qui avait promis de fermer la prison de Guantanamo à son arrivée au pouvoir, songerait à utiliser ses pouvoirs pour procéder sans l'aval du Congrès avant la fin de son mandat, affirmait récemment le Wall Street Journal. L'hypothèse paraît improbable aux yeux de Michael Posner. Bien que plusieurs dizaines de détenus toujours sur place soient susceptibles d'être transférés dans leur pays, il existe un noyau de prisonniers jugés dangereux qui devront être transférés en sol américain en cas de fermeture de la prison.