Il rêvait d'une loi emblématique qui marquerait son passage à la Maison-Blanche, il est contraint de gérer une crise humanitaire qui cristallise les divisions politiques : Barack Obama bute sur le dossier sensible de l'immigration.

L'afflux soudain de milliers de mineurs sans-papiers aux frontières a déclenché une tempête politique à Washington qui place le président américain dans une position délicate.

Il reçoit vendredi à la Maison-Blanche les présidents des trois pays d'Amérique centrale - Honduras, Salvador et Guatemala - d'où sont originaires les trois quarts de ces enfants qui fuient la misère et la violence.

Au-delà des appels aux parents - «N'envoyez pas vos enfants seuls, sur des trains ou par des passeurs», a-t-il lancé fin juin -, M. Obama devra aussi donner des gages à ses interlocuteurs.

Pour le président du Honduras, Juan Orlando Hernandez, ce phénomène, qui a atteint une ampleur «sans précédent», est étroitement lié au trafic de drogue et à la violence.

Cependant, a-t-il ajouté jeudi lors d'un passage au Congrès, «nous pensons qu'il est aussi lié au manque de clarté qui est devenu la marque de fabrique des débats sur la réforme de l'immigration aux États-Unis».

Pour la Maison-Blanche, cette crise est le symptôme visible d'un système qui ne fonctionne plus et démontre de façon criante la nécessité d'une vaste réforme.

Mais si une nouvelle loi semblait encore envisageable il y a un an, elle ne l'est plus aujourd'hui. Un texte prévoyant un renforcement drastique des contrôles aux frontières, une hausse des quotas de visas pour les travailleurs qualifiés et une perspective de régularisation pour 11 millions de sans-papiers avait été adopté par le Sénat. Il s'est, depuis, enlisé à la Chambre des représentants, dominée par les républicains.

À l'approche des élections législatives de mi-mandat, M. Obama, qui avait fait de l'immigration l'un des thèmes centraux de ses campagnes de 2008 et 2012, se retrouve en difficulté. D'autant que le débat a pris une tournure plus passionnelle.

«Débat acerbe»

Le gouverneur du Texas, le républicain Rick Perry, a annoncé l'envoi de 1000 réservistes de La Garde nationale pour «sécuriser» cet État américain qui a une frontière d'environ 2000 kilomètres avec le Mexique.

Dans le sud de la Californie, plusieurs rassemblements «anti-immigrants» ont été organisés. «On veut une barrière, pas une réforme», «Retour à l'envoyeur», pouvait-on notamment lire sur les pancartes brandies par les manifestants.

L'archevêque catholique de New York Timothy M. Dolan, a exprimé cette semaine sa honte face à «ces foules en colère» : «Ce n'était pas américain, ce n'était pas biblique, c'était inhumain», a-t-il estimé.

Si quelques milliers d'enfants tentaient tous les ans leur chance vers les États-Unis, le phénomène a pris depuis quelques mois une tout autre ampleur : 57 000 mineurs non accompagnés ont été interpellés à la frontière avec le Mexique depuis octobre. Le gouvernement s'attend à un total de 90 000 d'ici à la fin septembre. Pour 2015, il anticipe jusqu'à 145 000.

Selon la Maison-Blanche, le nombre d'interpellations a baissé de moitié entre juin et juillet. Mais difficile à ce stade de dégager une vraie tendance de fond et cette «situation humanitaire d'urgence», selon les termes du président américain, pourrait durer.

M. Obama a exhorté le Congrès à approuver une enveloppe d'urgence de 3,7 milliards de dollars pour gérer cet afflux de mineurs, avec en particulier un besoin criant de juges pour traiter les nombreux cas en attente. Mais les discussions au Congrès sur le sujet sont dans l'impasse.

Au-delà d'une bataille de chiffres - les démocrates ont finalement retenu le chiffre de 2,7 milliards, les républicains avancent 1,5 milliard -, la question la plus épineuse est celle des droits accordés à ces enfants après leur interpellation.

Les républicains souhaitent simplifier le processus d'expulsion. Pour ce faire, ils veulent modifier une loi promulguée en 2008 par George W. Bush qui donne aux mineurs arrivant seuls en provenance de pays non frontaliers plus de protections juridiques que ceux en provenance du Mexique, afin de déterminer s'ils sont victimes de trafic d'êtres humains.

La Maison-Blanche n'est pas opposée à une évolution de la loi, mais juge que la priorité absolue est de dégager des fonds pour gérer une situation d'urgence.

«Le débat sur l'immigration est devenu plus acerbe et de plus en plus politisé», constate Audrey Singer, de la Brookings Institution, pessimiste sur la capacité du Congrès à se mettre d'accord.

Or le temps est compté : la session parlementaire s'achève en fin de semaine prochaine. Les élus ne seront de retour à Washington que le 8 septembre.