Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils ne produiraient plus, ni ne chercheraient à acquérir de mines antipersonnel et, pour la première fois, ont fait part de leur intention d'adhérer à terme au traité international les interdisant.

Washington s'est jusqu'à présent refusé à signer la convention d'Ottawa de 1997 interdisant l'utilisation, le stockage, la production et le transfert de ces engins de mort, arguant de leur utilité pour la défense du pays et de ses alliés.

Plus d'un million de mines antipersonnel sont ainsi enterrées le long de la zone démilitarisée intercoréenne, où les États-Unis restent sur le pied de guerre pour faire face à une éventuelle agression de la Corée du Nord. Les Américains affirment cependant que ces mines sont coréennes et que tout l'inventaire américain - plus de trois millions de mines - est dans des entrepôts.

Si Washington avait déjà fait part il y a cinq ans de son intention de réexaminer sa position, cette décision a surpris lorsqu'elle a été annoncée dans la capitale mozambicaine Maputo, lors d'une conférence de suivi de l'application de la convention d'Ottawa visant à s'assurer qu'aucune armée n'utilise plus de mines antipersonnel d'ici 2025.

«Notre délégation à Maputo a dit clairement que nous cherchions assidûment des solutions conformes à la convention d'Ottawa qui, à terme, permettraient aux États-Unis d'y adhérer», a annoncé la Maison-Blanche dans un communiqué.

Les États-Unis ne «produiront pas à l'avenir ni ne chercheront à acquérir de mines antipersonnel, y compris à remplacer les stocks existants», précise la présidence américaine.

Concrètement, le stock actuel de trois millions de mines commencera à se détériorer d'ici 10 ans et sera «totalement inutilisable» dans 20 ans, selon le porte-parole du Pentagone, le contre-amiral John Kirby.

Le pays effectue en outre «des simulations et modélisations» pour déterminer les moyens de protéger ses intérêts en se passant des mines, détaille la porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Caitlin Hayden.

«Bons sentiments»

Mais, dès son annonce, la décision a provoqué des critiques. Le président de la commission des Forces armées de la Chambre des représentants, le républicain Buck McKeon, l'a vertement critiquée, arguant qu'il s'agissait de «bons sentiments» et d'une «mauvaise» décision pour la sécurité du pays.

«C'est vraiment une solution onéreuse à la recherche d'un problème qui n'existe pas», a-t-il ajouté, rappelant que les militaires américains considéraient les mines antipersonnel comme un «outil important de l'arsenal des États-Unis».

Les chefs du Pentagone «soutiennent totalement» cette nouvelle approche, a répliqué le contre-amiral Kirby.

L'annonce américaine a en revanche ravi l'organisation Human Rights Watch (HRW), l'une des ONG membres de la campagne internationale pour l'interdiction des mines antipersonnel qui avait reçu le prix Nobel de la paix en 1997.

«Il s'agit d'une reconnaissance importante que le traité [d'Ottawa] fournit le meilleur cadre pour débarrasser le monde de ces armes mortelles», affirme Steve Goose, un responsable de HRW. «Espérons que les États-Unis avancent rapidement et rejoignent le traité.»

L'ONG Handicap International a salué la décision de Washington, mais craint qu'en ne se fixant aucune date pour finir de passer en revue sa politique, les États-Unis risquent de remettre toute décision «après la fin du mandat présidentiel de Barack Obama».

À ce stade, seuls 35 pays n'ont pas signé la convention d'Ottawa. Les États-Unis sont le seul pays de l'OTAN dans ce cas, aux côtés de deux membres du Conseil de sécurité de l'ONU - la Chine et la Russie - de l'Inde, du Pakistan, d'Israël ou encore des deux Corées.

Depuis l'entrée en vigueur de la convention en 1999, le nombre de victimes (morts ou blessés) provoquées par les mines antipersonnel a été divisé par cinq, avait indiqué début 2014 Handicap International, et 70 millions de mines ont été détruites par les 161 États qui ont ratifié le traité.

Les États-Unis, qui ne produisent déjà plus de mines, les ont utilisées pour la dernière fois pendant la guerre du Golfe en 1991.

Caitlin Hayden rappelle en outre que les États-Unis ont versé 2,3 milliards de dollars d'aide depuis 1993 à plus de 90 pays pour des programmes de destruction d'armes conventionnelles - dont font partie les mines antipersonnel.