L'administration Obama parle elle-même de crise humanitaire : depuis octobre 2013, plus de 47 000 mineurs non accompagnés, la plupart venus d'Amérique centrale, ont été appréhendés après avoir tenté d'entrer illégalement aux États-Unis. Difficile à gérer et à endiguer, ce phénomène expose les enfants à une dure et triste réalité. Il représente aussi un casse-tête politique pour le président américain, explique notre correspondant à New York.

On pouvait compter sur Sarah Palin pour proposer une solution simple, voire simpliste, à la crise humanitaire causée par la vague sans précédent d'enfants non accompagnés qui tentent d'entrer illégalement aux États-Unis.

«Notre première dépense dans cette crise humanitaire devrait servir à payer le carburant pour renvoyer en avion ces enfants dans leurs foyers respectifs», a écrit l'ancienne gouverneure d'Alaska sur sa page Facebook en faisant référence aux quelque 47 000 mineurs provenant d'Amérique centrale qui ont été interceptés à la frontière américaine entre octobre 2013 et mai dernier, soit cinq fois plus qu'en 2009.

La surprise: Hillary Clinton, candidate pressentie à l'élection présidentielle de 2016, est à peu près d'accord avec Sarah Palin.

«Nous devons envoyer un message clair: ce n'est pas parce que votre enfant franchit la frontière qu'il peut rester», a déclaré l'ancienne secrétaire d'État américaine lors d'une réunion publique la semaine dernière.

La réalité est évidemment plus complexe. Et elle expose Barack Obama aux critiques des républicains, qui mettent l'afflux d'enfants clandestins sur le compte de ses politiques en matière d'immigration. Il s'agit d'une tempête parfaite, qui éloigne encore davantage la réforme de l'immigration voulue par le président et complique ses efforts pour «humaniser» sa politique d'expulsion d'adultes clandestins, mexicains pour la plupart.



L'ampleur du phénomène

Mais d'abord, quelques mots sur l'ampleur de cette crise humanitaire, une expression utilisée par l'administration Obama elle-même. Ce n'est pas d'hier que des mineurs d'Amérique centrale sont appréhendés dans le sud du Texas et de l'Arizona après avoir traversé illégalement la frontière mexicaine. Mais le nombre de ces interceptions a explosé au cours des derniers mois, dépassant les capacités du système de détention et d'hébergement.

Les Américains ont ainsi pu voir au cours des derniers jours des images d'adolescents et d'enfants en bas âge entassés dans des hangars où ils dorment sur de minces matelas de sol. Contrairement aux mineurs mexicains, qui peuvent être renvoyés dans leur pays sans aucun procès, les jeunes clandestins d'Amérique centrale doivent comparaître devant un juge d'immigration. Celui-ci peut décider de leur accorder un statut légal s'ils ont été victimes d'abus, négligés ou abandonnés.

Dans l'attente de sa comparution, un jeune clandestin peut aller vivre avec un membre de sa parenté aux États-Unis ou être accueilli dans un centre pour réfugiés.

Comment expliquer la recrudescence d'enfants clandestins à la frontière américaine? Dans un premier temps, l'administration Obama a attribué ce phénomène à la montée de la violence au Guatemala, au Salvador et au Honduras, où les gangs, la drogue et la pauvreté sont des problèmes endémiques.

Mais elle a reconnu au cours des derniers jours l'existence d'un autre motif, qui est peut-être plus important encore: plusieurs parents d'Amérique centrale ont confié leurs enfants à des passeurs après avoir entendu une rumeur selon laquelle le gouvernement américain délivrerait des permis de séjour aux mineurs arrivés avant la fin de juin 2014.

Selon les républicains, l'administration Obama aurait elle-même contribué à l'émergence de cette rumeur en mettant fin, il y a deux ans, aux expulsions de jeunes clandestins âgés de moins de 30 ans et arrivés sur le territoire américain avant l'âge de 16 ans, entre autres critères.

Quoi qu'il en soit, les républicains voient dans la crise actuelle une autre raison de s'opposer à une réforme de l'immigration qui mènerait à la régularisation de millions de clandestins. À leurs yeux, Barack Obama fait preuve depuis toujours d'un trop grand laxisme dans ce domaine.



PHOTO ROSS D. FRANKLIN, ARCHIVES REUTERS

Dans ce centre de rétention à Nogales, en Arizona, il n'y a pas assez de matelas pour les centaines d'enfants qui s'y entassent. 

Record d'expulsions

Ironiquement, le président est traité dans le même temps de «champion des expulsions» par des militants latinos. Depuis 2009, plus de deux millions d'étrangers, mexicains pour la plupart, ont été reconduits à la frontière, un record. Face aux critiques de son propre camp, le chef de la Maison-Blanche a demandé à la mi-mars au ministre de la Sécurité intérieure, Jeh Johnson, de revoir sa politique d'expulsion pour la rendre plus «humaine».

Et voilà que la Maison-Blanche se retrouve face à une nouvelle crise qui l'a poussé, vendredi, à annoncer une série de mesures pour freiner les entrées illégales de mineurs aux États-Unis. Un de ses objectifs est d'accélérer les décisions concernant le sort des mineurs interceptés à la frontière.

Un autre objectif est de passer un message clair aux «jeunes gens» d'Amérique centrale. Message qu'un responsable de l'administration Obama a résumé ainsi vendredi: «Ne venez pas. Et si vous pensez qu'une fois ici, vous ne serez pas renvoyés, ce ne sera pas le cas. Vous ne serez pas autorisés à rester.»

Sarah Palin et Hillary Clinton approuveront sans doute ce message.

PHOTO MERIDITH KOHUT, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Une mère et son fils grimpent sur un train qui traverse le Mexique en espérant un jour entrer aux États-Unis.