L'hélicoptère des forces américaines atterrit en pleine campagne afghane dans un nuage de poussière. Trois hommes en descendent, se font remettre Bowe Bergdahl des mains d'un groupe de talibans, puis l'appareil décolle aussi sec. La libération du sergent américain a duré à peine une minute.

La scène est montrée dans une vidéo intitulée «Cérémonie d'échange du soldat américain» diffusée mercredi sur leur site internet par les rebelles afghans, visiblement très heureux de cette opération.

Bowe Bergdahl a été libéré samedi après cinq ans de captivité à l'issue d'un échange contre cinq cadres talibans détenus à Guantánamo. Ce règlement a fait l'objet de longues négociations sous l'égide du Qatar, qui a servi d'intermédiaire.

La vidéo, d'une durée de 17 minutes, débute avec une alternance d'images du soldat américain et de photos de l'ouverture, en juin 2013, d'un bureau de représentation politique officiel des talibans au Qatar, qui avait été fermé dans la foulée après avoir déclenché la colère du président afghan Hamid Karzaï.

En fond sonore de cette vidéo de propagande, une voix off lit un communiqué triomphaliste des talibans diffusé après la libération de leurs cinq détenus.

Les images basculent ensuite sur un bout de campagne vallonnée et la narration cède sa place à une interview d'un responsable taliban commentant la libération à la manière d'un documentaire.

«Cela s'est passé aux environs de 16 h dans la zone de Batai de la province de Khost», dans le Sud-est afghan, près de la frontière pakistanaise, explique le responsable rebelle.

«Les Américains nous avaient demandé de trouver un endroit sûr. Mais nous ne leur faisons pas confiance et avions demandé à nos anciens de venir avec nous», poursuit-il.

Bowe Bergdahl est installé à l'arrière d'un pick-up gris métallisé strié de bandes rouges. Crâne et barbe rasé, il porte une longue chemise traditionnelle afghane blanche.

Autour de lui, des rebelles lourdement armés montent la garde. La vidéo s'attarde un moment sur eux lorsqu'ils s'écrient «Dieu est le plus grand», avant que l'un des hommes ne se penche sur le soldat américain pour lui dire quelques mots en pachto, langue locale que Bergdahl aurait apprise au cours de sa détention, selon des sources rebelles.

«Ne reviens pas en Afghanistan»

«Ne reviens pas en Afghanistan. Parce que la prochaine fois, il n'y aura personne pour te libérer», lance le garde. Le sergent baisse la tête, peut-être en signe d'assentiment. Il semble en bonne santé, bien que visiblement troublé par sa libération imminente.

Dans le ciel, des hélicoptères des forces américaines décrivent des cercles autour de la zone, puis l'un se pose à quelques mètres du pick-up.

Trois hommes, en civil, en sortent et vont à la rencontre des talibans et du sergent, sous la surveillance de soldats américains restés au niveau de l'hélicoptère dont les pales continuent de tourner.

Américains et rebelles se serrent la main et, quelques secondes plus tard, Bergdahl, rapidement fouillé, est conduit dans l'hélicoptère, qui s'envole et s'éloigne. Une légende apparaît alors en incrustation sur la vidéo, rappelant le message déjà adressé au l'otage: «Ne reviens pas en Afghanistan».

Bergdahl est transféré peu après sur la base de Bagram, au nord de Kaboul, et il était toujours hospitalisé mardi au centre médical américain de Landstuhl (Allemagne) où son état restait «stationnaire» selon l'hôpital.

La vidéo publiée mercredi par le commandement des rebelles afghans montre également des images de l'arrivée des cinq talibans dimanche au Qatar, accueillis en héros par leurs proches.

Peu après la diffusion du clip, le Pentagone a affirmé «ne pas avoir de raison de douter de son authenticité», tout en indiquant procéder à son examen. Il a confirmé au passage que le transfert de Bergdahl s'est déroulé de manière «pacifique et qu'il a été couronné de succès».

Un succès qui pourrait bien profiter aux rebelles islamistes, en mal de succès et de reconnaissance internationale, notamment depuis la fermeture de leur bureau au Qatar.

Pour l'expert Borhan Osman, du Réseau des analystes sur l'Afghanistan (AAN), les talibans «connaissent le pouvoir des médias» et la répétition des images montrant des insurgés fêter cet échange de prisonniers «est peut-être destinée à doper le moral de (leurs) combattants et partisans».