Les États-Unis ont annoncé samedi la libération d'un soldat américain retenu en Afghanistan aux mains des talibans depuis cinq ans, à l'issue d'un échange contre cinq Afghans de Guantanamo transférés vers le Qatar, qui a servi d'intermédiaire.

Le sergent Bowe Bergdahl avait été capturé par les talibans le 30 juin 2009 après sa disparition d'une base de la province de Paktika (sud-est).

«Aujourd'hui, le peuple américain est heureux de pouvoir bientôt accueillir chez lui le sergent Bowe Bergdahl», a annoncé dans un communiqué le président américain Barack Obama.

Dans une déclaration ultérieure à la Maison-Blanche, M. Obama a indiqué que le Qatar avait apporté aux États-Unis des garanties de sécurité sur le transfert des cinq prisonniers afghans.

«Le gouvernement qatari nous a donné l'assurance qu'il allait mettre en place des mesures pour protéger notre sécurité nationale», a déclaré le président américain, qui n'a pas donné de détails sur ces dispositions.

Les cinq prisonniers libérés sont Mohammad Fazl, Norullah Noori, Mohammed Nabi, Khairullah Khairkhwa et Abdul Haq Wasiq, a affirmé un porte-parole du département d'État. Selon une source talibane en provenance de Quetta, ces hommes étaient de hauts responsables influents du régime taliban chassés du pouvoir lors de l'invasion de l'Afghanistan par les Américains après les attaques du 11 septembre.

M. Obama, qui s'est exprimé peu après l'annonce de la libération de Bowe Bergdahl, seul prisonnier américain en 13 ans de guerre en Afghanistan, est apparu aux côtés des parents de Bowe Bergdahl, Bob et Jani Bergdahl.

Le militaire est en «bonne condition» et se trouve sous traitement médical sur la base aérienne de Bagram, un complexe militaire géant sous contrôle américain au nord de Kaboul, selon des responsables américains s'exprimant sous couvert de l'anonymat.

Le sergent a été relâché samedi dans l'est de l'Afghanistan. Il a été remis à «quelques dizaines» de soldats des forces spéciales américaines, en présence d'une vingtaine de talibans, selon ces responsables.

Le militaire devait être transféré par avion vers un hôpital militaire américain à Landstuhl, en Allemagne, a-t-on ajouté de même source. Là, «il commencera un processus de réadaptation, bénéficiera de temps pour raconter son histoire, décompresser et commencer à renouer des liens avec sa famille», a-t-on précisé.

La famille de Bergdahl «extatique»

M. Obama a dit avoir été «honoré d'appeler les parents (du soldat) pour exprimer notre joie à l'idée qu'ils puissent s'attendre à son retour en toute sécurité». Ces derniers se sont déclarés «extatiques», dans un communiqué diffusé par CNN, disant «ne plus pouvoir attendre de serrer dans (leurs) bras leur fils unique».

Quasiment simultanément à l'annonce de cette libération, le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel faisait part de l'élargissement de cinq prisonniers de Guantanamo. Le patron du Pentagone a expliqué avoir «informé le Congrès de la décision de transférer cinq détenus de Guantanamo vers le Qatar».

M. Hagel n'avait toutefois pas formellement établi un lien direct entre la libération du sergent Bergdahl et celle des détenus de Guantanamo.

Mais un haut responsable américain a été plus explicite: «En lien avec le retour du sergent Bergdahl, les États-Unis ont transféré vers le Qatar cinq Afghans détenus à Guantanamo». Ces cinq ex-prisonniers sont déjà aux mains du Qatar et leurs «mouvements et activités seront limités», selon la source américaine.

La libération de ces prisonniers constitue «une grande satisfaction», ont réagi les talibans dans un communiqué. «Ils ont rejoint leurs familles au Qatar», ont-ils ajouté. «Ils ont été libérés grâce à des contacts indirects entre l'Émirat islamique d'Afghanistan (nom utilisé par les talibans lorsqu'ils étaient au pouvoir, ndlr) et les États-Unis et avec l'aide du gouvernement du Qatar».

La libération de ces cinq cadres de l'ancien régime taliban était l'une des principales conditions posées de longue date par les talibans aux Américains pour ouvrir de véritables négociations de paix en Afghanistan.

Des contacts établis ces dernières années entre les deux camps ont été rompus à plusieurs reprises par les insurgés devant le refus de Washington de libérer ces prisonniers, qui montrait selon les rebelles afghans que les Américains n'étaient «pas sérieux» dans leur volonté de négocier.

Rôle central du Qatar

Des contacts souterrains se sont toutefois poursuivis cette dernière année, qui ont finalement permis de conclure cet échange, a expliqué samedi à l'AFP une source talibane, qui est par ailleurs restée prudente et s'est gardée d'en conclure que cela permettrait d'ouvrir des négociations de paix rapidement.

Le Qatar et son émir, le cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani, ont joué un rôle central dans cette affaire: l'émirat est engagé depuis des années dans les efforts de réconciliation entre les talibans et le gouvernement de Kaboul.

Le secrétaire d'État John Kerry a indiqué s'être entretenu samedi avec le président Karzaï sur ce dossier et «pour discuter des annonces cette semaine du président Obama».

Le président américain a promis de son côté mardi de maintenir 9800 soldats après 2014, au lieu de 32 000 actuellement, à condition que le futur président afghan signe un Traité bilatéral de sécurité (BSA).