Quatre mois après le début parfois difficile de son mandat à l'hôtel de ville de New York, Bill de Blasio a célébré jeudi dernier une de ses plus grandes réalisations en tant que maire: la conclusion d'une convention collective d'une durée de neuf ans entre la Ville et ses quelque 100 000 enseignants, qui étaient sans contrat depuis 2009.

Mais le Daily News de New York a vite remis les choses en perspective. Sur sa une du lendemain, le tabloïd a exhorté le successeur de Michael Bloomberg à régler avec le même bonheur son contentieux avec «NOS CHEVAUX» (comme tous les tabloïds, le Daily News ne lésine pas sur les majuscules).

Il faut comprendre que le quotidien de New York est en mode campagne, comme cela lui arrive à l'occasion. Après avoir milité en vain pour l'interdiction des fusils d'assaut à la grandeur des États-Unis, le voici parti en guerre contre la promesse du maire de New York de supprimer les calèches dans Central Park, une attraction touristique remontant au milieu du XIXe siècle et employant aujourd'hui 300 personnes, dont 170 cochers.

«Nous allons nous débarrasser des calèches. Ce n'est pas humain, ce n'est pas cohérent en 2014», déclarait Bill de Blasio en décembre dernier, évoquant le bruit, la circulation et la pollution auxquels sont exposés les 220 chevaux utilisés pour tirer les 68 calèches de New York.

Le candidat à la mairie s'était alors engagé à passer à l'action «dans les premiers jours» de son mandat.

C'était sans compter le Daily News, dont la campagne a contribué à forcer le maire démocrate à reporter à la fin de l'année le remplacement des calèches new-yorkaises par des répliques électriques des taxis du début du XXe siècle. D'ici là, la controverse risque cependant de s'amplifier, le FBI ayant notamment décidé de s'en mêler.

Le FBI? L'intervention de la police fédérale est l'une des étrangetés de cette affaire qui a incité plusieurs célébrités, dont l'acteur Liam Neeson, la chanteuse Miley Cyrus et la pionnière du mouvement féministe Gloria Steinem, à prendre position publiquement pour ou contre les calèches.

Même Nicolas Sarkozy a été entraîné dans le débat. À la veille du concert que donnait récemment sa femme, Carla Bruni, à New York, l'ancien président français a offert à sa fille, Giulia, une balade en calèche. Le Daily News avait évidemment un photographe dans les parages, qui a croqué la paire comme une pomme juteuse avant de demander au père s'il était en faveur du maintien des calèches à New York.

«Il a offert un "oui" enthousiaste», a écrit le Daily News le lendemain.

Et le FBI dans tout ça? La police fédérale enquête sur le financement d'une campagne publicitaire orchestrée l'an dernier par NYCLASS, un groupe opposé aux calèches. La campagne ciblait Christine Quinn, principale adversaire démocrate de Bill de Blasio lors de la course à la mairie.

Bill de Blasio, faut-il préciser, avait renversé sa position sur les calèches et promis leur fin, ce que Quinn avait refusé de faire.

Composé principalement de militants des droits des animaux, NYCLASS reçoit la plus grande partie de ses fonds de Steve Nislick, propriétaires de garages de stationnement. Celui-ci est soupçonné de vouloir mettre la main sur les quatre écuries du West Side de Manhattan qui hébergent les chevaux d'attelage promenant les touristes dans Central Park.

Mais les militants de NYCLASS jurent n'avoir à coeur que le sort des chevaux. Et ils continuent à multiplier les moyens de pression pour influencer le public et les conseillers municipaux de New York, qui devraient être appelés à voter sur la proposition du maire.

NYCLASS est encore loin d'avoir gagné la bataille de l'opinion publique. Selon un sondage réalisé en janvier, 61% des New-Yorkais souhaitent le maintien des calèches à New York. Le groupe de pression a également un adversaire farouche en Liam Neeson, qui a raconté dans les pages du New York Times son histoire d'amour avec les chevaux et organisé une visite des écuries de Manhattan pour les médias.

«C'est une industrie qui est ici depuis la première inauguration d'Abraham Lincoln», a dit l'acteur d'origine irlandaise lors de cette visite. «C'est une belle industrie, un lien avec notre passé.»

On pouvait évidemment compter sur le Daily News pour faire la belle part aux déclarations de Neeson, et ce, même si la pollution, le bruit et la circulation à New York n'ont plus rien en commun avec l'époque de Lincoln.