Les États américains qui souhaitent exécuter par injection létale des prisonniers condamnés à la peine capitale ont de plus en plus de difficulté à obtenir les produits pharmaceutiques requis.

La pénurie est si sévère que les autorités carcérales s'approvisionnent de plus en plus souvent auprès de pharmacies non homologuées par le gouvernement fédéral. Au risque d'hériter de produits déficients qui peuvent aboutir, au dire des organisations de défense des droits de l'homme, à des exécutions «bâclées» assimilables à une forme de torture.

Souffrances

Ce risque a notamment été mis en évidence en janvier lors de l'exécution, dans l'État de l'Oklahoma, de Michael Lee Wilson.

L'homme de 38 ans, condamné pour meurtre, a déclaré qu'il «sentait son corps brûler» au moment de l'exécution, ce qui a soulevé des doutes sur la qualité du barbiturique utilisé. Le producteur européen traditionnel de l'anesthésiant en question, le pentobarbital, refuse de le fournir aux États-Unis, par crainte qu'il serve à la peine capitale, ce qui a obligé les autorités à faire affaire avec un fournisseur non identifié.

«On ne connaît pas la provenance exacte du pentobarbital utilisé, alors il est difficile de savoir si c'est ça qui explique les souffrances du prisonnier», note Richard Dieter, directeur du Death Penalty Information Center (DPIC), un groupe de recherche de Washington.

Cocktail inusité

En Ohio, une autre exécution a soulevé la polémique après que les autorités carcérales eurent utilisé un cocktail médicamenteux inusité pour parvenir à leurs fins.

Des témoins ont rapporté que Dennis McGuire, un homme de 53 ans condamné à mort pour le viol et le meurtre d'une jeune femme, a semblé souffrir pendant de longues minutes. Son fils a déclaré qu'il était secoué de spasmes et suffoquait, alors que les prisonniers exécutés sombrent normalement dans l'inconscience avant de mourir.

Le retrait du marché américain de produits longtemps utilisés pour les exécutions capitales est en partie imputable aux pressions exercées par l'Union européenne, qui a interdit aux entreprises du continent de les vendre aux États-Unis il y a quelques années.

La législation en question est en voie d'être amendée pour s'étendre automatiquement à tout produit alternatif utilisé par les États américains dans l'application de la peine de mort, note en entrevue Maya Foa, qui mène la campagne contre la peine capitale de l'organisation anglaise Reprieve.

Nombre de sociétés pharmaceutiques américaines refusent aussi aujourd'hui que leurs produits servent pour appliquer la peine de mort. «C'est à la fois une question de moralité et d'image», souligne le militant. La crainte d'un mouvement de retrait des actionnaires explique aussi leur prudence.

L'impossibilité de se tourner vers des fournisseurs établis explique que plusieurs États appliquant la peine de mort font aujourd'hui appel à des pharmacies non réglementées par la Food and Drug Administration (FDA).

Ces pharmacies, censées produire à petite échelle, sont beaucoup moins fiables, note Richard Dieter. Un établissement de ce type avait notamment été identifié il y a quelques années comme la source d'une épidémie de méningite ayant tué plus de 60 personnes.

L'incertitude entourant la qualité des produits obtenus par cette voie peut être lourde de conséquences pour les prisonniers, qui risquent de souffrir inutilement, insiste le dirigeant du DPIC.

Mme Foa, de Reprieve, pense que les exécutions «bâclées» pourraient se multiplier aux États-Unis et alimenter le mouvement en faveur de l'abolition de la peine de mort.

M. Dieter est plus sceptique. «Je pense que les États qui souhaitent poursuivre les exécutions par injection létale continueront de trouver ce qu'il leur faut quelque part, de quelqu'un... L'avenir de la peine de mort ne sera pas déterminé par une question d'accessibilité aux produits pharmaceutiques», dit-il.