Le président des États unis Barack Obama a dévoilé mardi un projet de budget 2015 qui n'a aucune chance d'être voté en l'état, mais servira à ses alliés démocrates de prospectus électoral pour les législatives de novembre, qui s'annoncent serrées.

Ce projet de budget prévoit des centaines de milliards de dollars de nouvelles dépenses sur dix ans, tout en augmentant les impôts sur les Américains les plus aisés. Il concrétise les idées de Barack Obama pour réduire les inégalités aux États-Unis, un thème que le président a fait sien depuis sa réélection en 2012, et qualifié de virage populiste par ses adversaires politiques.

«Notre budget, c'est une question de choix», a déclaré Barack Obama, en déplacement dans une école de Washington. «Notre pays doit décider si nous voulons protéger les allègements d'impôts pour les Américains les plus riches, ou créer des emplois, favoriser la croissance et donner plus d'opportunités à tous les Américains».

La publication du budget présidentiel est chaque hiver un rite millimétré, avec la livraison au petit matin, au Congrès, des épais documents à couverture bleue. Elle déclenche systématiquement les critiques, voire railleries, des républicains, qui soulignent le caractère illusoire de l'exercice, car ce sont eux, et non la Maison-Blanche, qui contrôlent le processus budgétaire à la Chambre des représentants.

Barack Obama propose une hausse significative de l'équivalent de la prime pour l'emploi, un crédit d'impôt versé sous forme de chèque en début d'année aux personnes qui travaillent et dont les revenus ne dépassent pas l'équivalent du salaire minimum à temps plein. Environ 13,5 millions de personnes profiteraient de ce coup de pouce, et 500 000 passeraient au-dessus du seuil de pauvreté grâce à lui.

Ces nouvelles dépenses seraient financées par la suppression de niches fiscales pour les contribuables les plus riches, une mesure populaire chez les démocrates, mais décriée par la droite américaine comme un retour de la lutte des classes. Les déductions fiscales seraient réduites, affectant les 3 % de foyers les plus aisés.

Le président démocrate envisage notamment 56 milliards de dollars de nouveaux investissements publics sur les dix prochaines années, dans l'industrie manufacturière avancée, la recherche et l'innovation, et les infrastructures afin de doper la croissance. Le gouvernement fédéral financerait par exemple 45 nouveaux instituts spécialisés dans l'innovation manufacturière, pour rapprocher les universités des entreprises.

Pour les Américains les plus démunis, le président voudrait améliorer la pré-scolarisation des enfants - très chère aujourd'hui, et pourtant un élément clé de la réussite scolaire. Des crédits d'impôt permettraient de plus subventionner la garde d'enfants.



«Propagande électorale»

Les dépenses fédérales, en incluant les énormes programmes de retraite et de santé que le Congrès n'a pas à valider chaque année, s'élèveraient à 3901 milliards de dollars sur l'exercice budgétaire 2015, qui commence le 1er octobre (+6,8 % par rapport à 2014). Le déficit 2015 est prévu en baisse, à 3,1 % du PIB, contre 3,7 % en 2014.

La Maison-Blanche table aussi sur une accélération de la croissance de l'économie : 3,1 % en 2014 et 3,4 % en 2015, contre 1,9 % en 2013.

Le président de la Chambre, John Boehner, a dénoncé le «budget probablement le plus irresponsable» jamais présenté par Barack Obama. «Il dépense trop, emprunte trop et taxe trop», a-t-il dit dans un communiqué, en soulignant que le déficit ne serait jamais résorbé selon les prévisions de la Maison-Blanche.

«Ce budget n'est pas un document sérieux, c'est de la propagande électorale», a estimé Paul Ryan, qui pilote les questions budgétaires pour les républicains, et publiera sa version du budget dans les prochaines semaines.

Pour Barack Obama, les élections législatives de mi-mandat en novembre décideront du sort de ses deux dernières années à la Maison-Blanche. Le président perdra-t-il les derniers alliés qui lui restent au Congrès?

La totalité de la Chambre, aujourd'hui dominée par les républicains, et le tiers du Sénat, actuellement aux mains des démocrates, seront renouvelés. Les politologues soulignent que la majorité sénatoriale est fragile, et les démocrates sont inquiets.

Un sondage Washington Post/ABC News publié mardi montre que les électeurs sont plus favorables aux républicains (50 %) qu'aux démocrates (42 %) dans les 34 États concernés par les élections sénatoriales.

PHOTO BRENDAN SMIALOWSKI, AFP

La publication du budget présidentiel est chaque hiver un rite millimétré, avec la livraison au petit matin, au Congrès, des épais documents à couverture bleue.