Des commerçants de l'Arizona, aux États-Unis, pourraient bientôt invoquer leurs convictions religieuses pour refuser d'offrir des services aux couples homosexuels.

La gouverneure de l'État, Jan Brewer, connue pour ses positions conservatrices, doit décider dans les prochains jours si elle donne son aval à un projet de loi qui leur donnerait une base juridique pour procéder en ce sens.

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L'initiative en question a été approuvée la semaine dernière par la législature locale, à majorité républicaine, qui dit vouloir protéger «la liberté de religion» des croyants. Les organisations de défense des droits de l'homme évoquent un pas en arrière qui va encourager la discrimination.

«Cette initiative envoie le message que l'Arizona est inhospitalière, moralisatrice et intolérante», déplore en entrevue Alessandra Soler, qui chapeaute la section locale de l'American Civil Liberties Union (ACLU).

Selon elle, le projet de loi sous considération «n'a rien à voir avec Dieu ou la foi» puisqu'il existe déjà dans l'État des dispositions législatives protégeant la liberté de religion.

Le point de départ

Mme Soler explique que le point de départ de la polémique est une décision rendue l'année dernière par les tribunaux du Nouveau-Mexique contre une photographe chrétienne, Elaine Huguenin.

Cette dernière a refusé de photographier une cérémonie d'engagement entre deux lesbiennes parce que leur démarche allait à l'encontre de ses croyances et l'obligerait à véhiculer un «message» qu'elle ne voulait pas soutenir. Les membres du couple ont subséquemment déposé une plainte devant la commission des droits de la personne, qui a tranché en leur faveur.

La décision a été portée en appel devant la Cour suprême de l'État. Le tribunal a statué que les lois interdisant la discrimination s'appliquaient aux activités de la photographe et que son obligation de faire des compromis relativement à ses convictions religieuses représentait «le prix de la citoyenneté».

Des élus conservateurs de l'Arizona se sont inquiétés du fait que les magistrats ont empêché l'application dans la cause de Mme Huguenin d'une loi empêchant l'État de placer des «contraintes déraisonnables» sur la liberté religieuse des individus.

L'Arizona, qui dispose d'une loi équivalente, a décidé de la revoir pour faire en sorte que des particuliers puissent invoquer ses dispositions pour se protéger non seulement contre l'État, mais aussi contre d'autres particuliers.

«Une personne ne devrait pas être obligée de renoncer à ses droits religieux simplement parce qu'elle va travailler ou décide de lancer une entreprise», souligne le Center for Arizona Policy, une organisation religieuse qui milite contre l'avortement et le mariage gai.

«C'est une honte que nous ayons besoin d'une loi comme ça aux États-Unis. Mais l'hostilité croissante que l'on observe envers la liberté dans cette nation et l'usage croissant du gouvernement pour pénaliser ses citoyens l'ont rendue nécessaire», indique la présidente de l'organisation, Cathi Herrod.

L'image de l'État entachée?

Selon Mme Soler, plusieurs associations de commerçants ont plongé dans le débat au cours des derniers jours, craignant que le projet de loi à l'étude entache l'image de l'Arizona et rende la gestion de leur propre personnel impossible.

La chambre de commerce hispanique de l'État a notamment relevé qu'il «risque de nuire à notre réputation à l'échelle nationale».

«Plusieurs compagnies ont des politiques contre la discrimination, mais elles risquent de se retrouver dans une position où il est impossible de les appliquer. Une serveuse qui refuse de servir un couple homosexuel et qui se fait congédier pourrait ensuite utiliser la loi pour obtenir gain de cause face à son employeur», note Mme Soler.

Les deux camps concentrent aujourd'hui leurs efforts sur la gouverneure, qui s'est montrée ambiguë dans ses interventions publiques à ce sujet.

«Je pense que toute personne qui dispose d'un commerce peut choisir avec qui elle travaille ou ne travaille pas. Mais je ne suis pas certaine qu'il est nécessaire de rendre ça statutaire», a commenté Jan Brewer vendredi lors d'une entrevue à la chaîne CNN.