L'un des animateurs de l'émission matinale de Hot 97, station de radio hip-hop numéro un à New York, voulait savoir si les citoyens de la ville pourraient bientôt «aller au bodega [dépanneur] et acheter un peu d'herbe».

«Je ne pense pas que cela arrive prochainement», a répondu le nouveau maire de New York, Bill de Blasio, vendredi.

Mais il a tenu à rassurer ses auditeurs sur un point: le temps est bel et bien révolu où les New-Yorkais étaient arrêtés après avoir été forcés par un policier à vider leurs poches et à exhiber la quantité quelconque de marijuana qui pouvait s'y trouver.

«Nous devons mettre fin à cette pratique», a déclaré le successeur de Michael Bloomberg. La police avait arrêté 50 000 personnes en 2011 - une toutes les 10 minutes - pour possession de petites quantités de marijuana.

«Les gens ne devraient pas avoir de casier judiciaire pour ce genre de petite chose», a-t-il ajouté.

Peines commuées

Bill de Blasio ajoutait ainsi son nom à la liste des responsables américains qui repensent ou rejettent le concept de tolérance zéro, popularisé à New York par Rudolph Giuliani, maire de 1994 à 2001.

Barack Obama a contribué à cette remise en question en 2010 en promulguant une loi rééquilibrant les peines appliquées aux possesseurs de crack et de cocaïne. Jusque-là, ces peines défavorisaient fortement les condamnés pour crack, qui sont en majorité noirs.

En décembre dernier, le président a en outre commué les peines infligées à huit Américains condamnés pour possession ou trafic de crack. Six d'entre eux purgeaient des peines de prison à perpétuité.

Le ministre de la Justice américain, Eric Holder, participe également au réexamen des politiques de tolérance zéro. En août dernier, il a notamment appelé procureurs, juges et élus «à repenser de fond en comble la notion de peines plancher dans les affaires de drogue». Il est revenu à la charge il y a deux semaines en appuyant un projet de loi destiné à mettre fin aux règles rendant obligatoires des peines inflexibles, quels que soient les faits ou le comportement des justiciables.

L'objectif du ministre est clair: faire décroître la population carcérale aux États-Unis, qui a augmenté de près de 800% depuis 1980, alors que la population totale du pays a crû d'environ un tiers. Cette explosion du nombre de prisonniers est due en grande partie à l'incarcération d'Afro-Américains et de Latinos condamnés pour des infractions liées à la drogue.

Discipline scolaire

Mais le débat sur le tout-répressif ne se limite pas aux affaires de drogue. Il s'étend également à la discipline en milieu scolaire. Et Eric Holder joue également un rôle-clé dans cette discussion.

Le 8 janvier, le ministre de la Justice a exhorté les commissions scolaires américaines à abandonner les politiques de tolérance zéro qui ont souvent comme conséquence de criminaliser des comportements qui ne devraient pas l'être.

«Une infraction disciplinaire de routine devrait conduire un élève au bureau du directeur et non pas au poste de police», a déclaré Eric Holder, qui a également déploré la façon discriminatoire avec laquelle sont appliquées les politiques de tolérance zéro.

«Dans nos enquêtes, nous avons trouvé des cas où des élèves afro-américains étaient punis plus sévèrement et plus fréquemment en raison de leur race que des élèves blancs ayant commis les mêmes infractions», peut on lire dans une lettre adressée par les ministères de la Justice et de l'Éducation aux commissions scolaires américaines. «En bref, la discrimination raciale dans la discipline scolaire est un problème réel.»

Remise en question

Plusieurs villes américaines, dont Chicago, Los Angeles et Baltimore, n'ont pas attendu les recommandations de l'administration Obama pour remettre en question le concept de tolérance zéro.

À New York, la question de la discrimination raciale a également pesé dans la décision du nouveau maire de réformer le stop-and-frisk. Cette pratique policière, découlant du concept de tolérance zéro, permet aux policiers de contrôler, palper et fouiller toute personne «raisonnablement» soupçonnée d'avoir commis ou d'être sur le point de commettre un crime.

Or, contrairement à son prédécesseur, Bill de Blasio ne croit pas que le stop-and-frisk, tel que pratiqué par le NYPD, ait joué un rôle déterminant dans la chute spectaculaire de la criminalité à New York. À son avis, cette approche a tout au plus servi à justifier un profilage incompatible avec certains droits garantis aux minorités par la Constitution américaine.

L'ironie veut que le nouveau chef de police de New York, Bill Bratton, ait été un apôtre de la tolérance zéro dans les années 90. Aujourd'hui, il se dit en parfait accord avec l'approche de Bill de Blasio.

«Nous n'enfreindrons pas la loi pour appliquer la loi», a-t-il déclaré la semaine dernière lors d'une conférence de presse où il a enterré avec le nouveau maire de New York le stop-and-frisk tel que pratiqué sous Michael Bloomberg.