Le gouvernement Harper a trouvé aux États-Unis un allié de taille dans sa croisade visant à convaincre l'administration de Barack Obama d'approuver le projet de construction de l'oléoduc Keystone XL: le Comité juif américain (American Jewish Committee - AJC).

L'AJC estime que la construction de ce pipeline proposée par la société canadienne TransCanada est dans l'intérêt des États-Unis parce qu'il permettrait de réduire la dépendance de l'Oncle Sam au pétrole provenant de pays du Proche-Orient et de l'Afrique, souvent hostiles aux Américains, ou du Venezuela, qui ne cache pas son antagonisme envers Washington.

Cette organisation, fondée en 1906 pour lutter contre l'antisémitisme dans le monde, mais aussi pour défendre les droits des minorités et appuyer l'État d'Israël, milite depuis près de 40 ans - soit depuis le choc pétrolier des années 70 - pour renforcer la sécurité énergétique des États-Unis. L'AJC est basé à New York, mais il compte des bureaux dans 36 villes américaines, comme Chicago et Washington.

Décrit par le New York Times comme «le doyen des organismes juifs américains», l'AJC use ainsi de son influence à Washington pour convaincre les autorités américaines de donner leur bénédiction à Keystone XL, auquel s'opposent farouchement les groupes écologistes du Canada et des États-Unis.

Au cours des derniers mois, il a ainsi écrit une lettre au secrétaire d'État américain John Kerry en faveur de Keystone XL, a publié un certain nombre de communiqués pour défendre le projet de TransCanada et a fait publier des lettres dans plusieurs quotidiens américains pour en souligner les avantages.

Bon accueil à Ottawa

Ces démarches pour promouvoir Keystone XL ont été bien accueillies au ministère des Affaires étrangères du Canada, démontrent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le Ministère suit de très près toutes les tractations entourant ce projet aux États-Unis. Un groupe d'une cinquantaine de fonctionnaires s'affaire à décortiquer les moindres déclarations des partisans et des opposants à ce projet afin de rajuster au besoin la stratégie du gouvernement canadien pour convaincre les autorités américaines.

L'administration Obama tarde à approuver ce projet, évalué à 7 milliards de dollars, qui permettrait d'acheminer chaque semaine des millions de barils de pétrole issus des sables bitumineux de l'Alberta jusqu'aux raffineries de l'État du Texas. Le président américain a fait savoir qu'il autorisera ce projet à condition qu'il ne contribue pas à augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Il a aussi mis en doute les retombées économiques potentielles d'un tel projet.

John Baird, le chef de la diplomatie canadienne, doit d'ailleurs se rendre à Washington mardi afin de rencontrer John Kerry. Le projet Keystone XL est l'un des sujets inscrits à l'ordre du jour de cette rencontre.

«Dans l'intérêt des États-Unis»

Joint par La Presse, hier, le directeur des affaires nationales et législatives de l'AJC, Richard Foltin, a indiqué que l'appui indéfectible qu'a démontré le gouvernement Harper envers Israël au cours des dernières années n'a pas été un facteur dans la décision de son organisation de militer en faveur de Keystone.

Il a soutenu que l'AJC croit mordicus que Keystone représente une occasion unique de réduire la dépendance énergétique des États-Unis envers des pays instables. Il a précisé que son organisation maintient des liens de communication avec le gouvernement canadien sur ce dossier.

Alors qu'une décision se fait attendre de la part de l'administration Obama, l'AJC compte revenir à la charge pour faire pencher la balance en faveur du projet, a précisé M. Foltin.

«C'est un dossier que nous voulons garder sur le radar et que nous voulons voir aboutir», a-t-il ajouté, soulignant que le Canada «est un voisin et un allié fiable».

Il a soutenu que le projet suscite une certaine opposition aux États-Unis parce que l'extraction du pétrole des sables bitumineux est plus dommageable à l'environnement que l'exploitation du pétrole traditionnel. Mais il a souligné que le Canada continuera d'exploiter cette industrie quelle que soit la décision des États-Unis. «Il est donc logique et dans l'intérêt des États-Unis de voir ce projet aboutir», a-t-il dit.

- Avec William Leclerc

Trois projets

Keystone XL est l'un des trois grands projets sur la table visant à faciliter le transport du pétrole albertain vers de nouveaux marchés. Le projet d'oléoduc Northern Gateway, qui relierait l'Alberta jusqu'au port de Kitimat, en Colombie-Britannique, et l'inversion de la ligne 9 entre Sarnia et Montréal sont les deux autres projets à l'étude. Ces deux projets sont proposés par Enbridge.