La Maison-Blanche a prévenu jeudi que Barack Obama mettrait son veto à de nouvelles sanctions contre l'Iran, exhortant le Congrès à ne pas compromettre l'accord intérimaire sur le nucléaire conclu en novembre avec la République islamique.

Cette rare menace de l'exécutif américain est intervenue peu après l'introduction par 26 sénateurs, démocrates et républicains, d'une proposition de loi visant à punir encore davantage Téhéran pour son programme nucléaire si les négociations actuelles échouaient.

«Les sanctions déjà en place ont fait venir l'Iran à la table des négociations, et une menace digne de foi de nouvelles sanctions forcera l'Iran à négocier et agir de bonne foi», a estimé l'un des auteurs du texte, le sénateur démocrate Robert Menendez, président de la puissante commission des Affaires étrangères.

Mais l'administration de M. Obama a mis en garde contre les effets contre-productifs d'un tel vote, même si l'application des sanctions était différée.

«Nous ne pensons pas que ces mesures soient nécessaires. Nous ne pensons pas qu'elles seront adoptées», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney. Mais «si elles étaient adoptées, le président y opposerait son veto», a-t-il prévenu.

Le 24 novembre à Genève, les grandes puissances (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) sont parvenues à un accord intérimaire avec l'Iran sur son programme nucléaire.

Cet accord, percée spectaculaire après des années de blocage, prévoit qu'il n'y aura pas de nouvelles sanctions contre l'Iran durant la période intérimaire de six mois pendant laquelle la République islamique a accepté de geler le développement de son programme nucléaire controversé, le temps d'essayer de parvenir à un accord plus large.

«Nous pensons qu'il est important de permettre à cette ouverture diplomatique d'être explorée, et le risque avec l'adoption de nouvelles sanctions à l'heure actuelle serait de faire dérailler les négociations au moment même où la diplomatie permettait des progrès», a remarqué M. Carney.

Rare recours

Un tel vote «risquerait de diviser la communauté internationale» et prêterait le flanc à des accusations de «mauvaise foi des États-Unis dans ses négociations», a-t-il ajouté.

La Maison-Blanche avait déjà manifesté son hostilité au vote de nouvelles sanctions. Mais c'est la première fois que l'exécutif américain a recours à la menace d'un veto dans ce dossier.

En près de cinq ans de présidence, dont trois de cohabitation avec une Chambre des représentants républicaine, M. Obama n'a utilisé l'arme du veto que deux fois, dont une pour des raisons techniques.

La menace reste toutefois théorique, le chef de la majorité républicaine du Sénat, Harry Reid, ayant manifesté son opposition à l'idée de présenter rapidement un texte au vote. M. Reid, maître de l'agenda dans son assemblée, dit soutenir l'idée de laisser les négociations se poursuivre avec l'Iran.

L'influent sénateur républicain Lindsey Graham, spécialiste de politique étrangère, a estimé au contraire de l'administration que la menace de nouvelles sanctions «pourrait être la meilleure façon de parvenir à une solution pacifique» dans ce dossier.

«Le programme nucléaire iranien sera démantelé, soit par la diplomatie ou par la guerre. Je préfère la diplomatie», a-t-il ajouté, en assurant que le Sénat passerait outre à un veto de M. Obama. Une telle procédure nécessiterait toutefois un soutien de deux tiers des 100 sénateurs.

Ces développements à Washington sont intervenus au moment où reprenaient à Genève les discussions entre des experts des grandes puissances et de l'Iran pour l'application de l'accord de novembre.

Ces discussions techniques doivent se tenir jusqu'à vendredi, selon le porte-parole de la diplomate en chef de l'Union européenne, Catherine Ashton.

L'Iran est soupçonné malgré ses dénégations de chercher à se doter de l'arme atomique sous couvert de programme nucléaire civil.