Les médias américains peuvent ranger leurs métaphores et horloges de compte à rebours budgétaires: au cours des deux prochaines années, il n'y aura à Washington ni «mur», ni «falaise», ni «paralysie» à craindre si les élus du Congrès et de la MaisonBlanche ne s'entendent pas sur un budget avant telle heure, tel jour.

Deux mois et un jour après la fin du psychodrame de la fermeture partielle du gouvernement américain, le Sénat devrait ce soir emboîter le pas à la Chambre des représentants et approuver un projet de loi budgétaire qui assurera le financement des activités de l'État fédéral pour les années 2014 et 2015.

Les sénateurs ont ouvert la voie à un tel vote hier en mettant fin au débat sur le texte par 67 voix contre 33.

Fruit d'un compromis négocié par le représentant républicain du Wisconsin, Paul Ryan, et la sénatrice démocrate de l'État de Washington, Patty Murray, la nouvelle loi budgétaire repoussera le spectre des crises à répétition qui ont marqué la vie politique américaine au cours des trois dernières années.

Une nouvelle paralysie de l'État guettait d'ailleurs Washington le 15 janvier prochain, date d'expiration de la loi budgétaire adoptée in extremis en octobre.

«Cette législation devrait contribuer à mettre fin au cycle terrible de gouvernance par crises», a déclaré Harry Reid, chef de la majorité démocrate au Sénat, avant le vote d'hier.

L'accord budgétaire prévoit notamment l'annulation de 30% des coupes automatiques qui sont entrées en vigueur en mars (on parle de 63 milliards de dollars en 2014 et 2015 sur les 218 milliards prévus initialement). En échange de cette concession aux démocrates, les républicains ont notamment obtenu une légère augmentation des dépenses militaires, qui devaient subir une réduction nette.

L'entente réduira de façon modeste les déficits budgétaires sur dix ans.

Aucun progrès n'a cependant été réalisé sur le front des réformes des programmes de retraite et de santé - qui menacent la viabilité des finances publiques - ou du code fiscal.

Les élus et groupes issus du Tea Party ont dénoncé l'accord budgétaire, y voyant un relâchement inacceptable de la politique d'austérité qu'ils défendent. Mais ils ont été rabroués par le président républicain de la Chambre, John Boehner, qui leur a reproché de critiquer le compromis avant même qu'il ne soit officialisé.

Il a également dénoncé la campagne orchestrée par certains groupes conservateurs contre la réforme de la santé de Barack Obama. Selon lui, les dirigeants de ces groupes savaient non seulement que cette campagne mènerait à la paralysie de l'État, mais également qu'elle échouerait.

«C'est ridicule!», s'est exclamé John Boehner avant la tenue du vote de la Chambre sur le projet de budget, adopté par 332 voix contre 94. «Franchement, je pense qu'ils ont perdu toute crédibilité. Rien de ce que j'ai fait depuis que je préside la Chambre n'a violé les principes conservateurs, pas une seule fois.»

L'accord budgétaire n'écarte pas le spectre d'une crise sur le plafond de la dette, qui doit être relevé d'ici le 7 février 2014. Mais tout indique que les chefs de file républicains du Congrès veulent éviter un nouveau psychodrame qui risquerait non seulement de nuire à l'image de leur parti, mais également de détourner l'attention du public des ratés de la loi sur la santé du président démocrate.