Né à Harlem il y a 86 ans, Harry Bellafonte se souvient encore du macaron que sa mère avait épinglé sur son chandail pour signaler l'appui de sa famille à Fiorello La Guardia, maire réformiste de New York de 1934 à 1945.

«Même à cette époque lointaine, qui était celle de Franklin Roosevelt, ma famille avait un grand intérêt pour la politique de ce pays et de cette ville», a rappelé le chanteur, acteur et activiste légendaire en s'adressant à une foule d'électeurs réunis samedi dans un parc de l'Upper West Side, bastion de la gauche démocrate à New York.

Au cours des décennies suivantes, Harry Bellafonte a offert son appui à plusieurs autres candidats politiques, qui sont devenus présidents, gouverneurs ou maires. Mais, à l'entendre, aucun d'entre eux n'a eu sur lui l'effet du démocrate Bill de Blasio, grand favori de l'élection à la mairie de New York, qui l'opposera demain au républicain Joe Lhota (certains sondages lui donnent 40 points et plus d'avance).

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«Aucune de ces campagnes n'a été aussi excitante pour moi que celle dans laquelle nous sommes engagés, a-t-il dit. Enfin, nous avons quelqu'un qui défendra les idéaux progressistes et qui donnera aux New-Yorkais la chance d'être vraiment fiers de ce qu'ils sont et peuvent faire.»

Harry Bellafonte exagérait peut-être un peu. À quatre jours du scrutin, il cherchait à tout prix à convaincre les électeurs de l'Upper West Side, son quartier d'adoption, de se rendre aux urnes. Mais il ne fait aucun doute que Bill de Blasio a mené une campagne résolument ancrée à gauche. À 52 ans, le médiateur élu de New York pourrait incarner une rupture majeure après 20 années de politiques conservatrices ou centristes sous les administrations de Rudolph Giuliani et Michael Bloomberg.

«Nous sommes sur le point d'élire le maire le plus progressiste que ce pays ait jamais connu», a déclaré Scott Stringer, candidat démocrate au poste de contrôleur des finances de New York, lors du rassemblement de samedi dans l'Upper West Side.

Plaçant le combat contre les inégalités et les injustices au coeur de sa campagne, Bill de Blasio a promis d'augmenter les impôts des New-Yorkais qui gagnent plus de 500 000$ par an afin de financer l'école maternelle pour tous les enfants de 4 ans. Il s'est engagé à construire 200 000 logements pour la classe moyenne. Et il a répété son intention de réformer les contrôles et fouilles pratiqués par les policiers de New York et ciblant surtout les jeunes noirs et hispaniques.

La famille à contribution

Mais l'ancien conseiller municipal devra aussi à sa famille une partie de son succès électoral. Le début de son ascension aussi irrésistible qu'inattendue a coïncidé avec la diffusion d'une pub télévisée mettant en vedette Dante, son fils métis de 16 ans à l'afro volumineux, qui vantait le programme progressiste de son père. La soeur de Dante, Chiara, 18 ans a également eu droit à son propre spot.

Quant à l'épouse de Bill de Blasio, Chirlane McCray, poétesse afro-américaine, elle aura été, tout au long de la campagne, présente au côté du candidat, un géant de 1 m 95 qui n'hésite pas à reconnaître son influence sur ses politiques.

Ensemble, les de Blasio, qui habitent une maison modeste à Brooklyn, présentent un portrait familial auquel plusieurs New-Yorkais peuvent s'identifier. Un portrait qui tranche avec celui offert par Michael Bloomberg, homme d'affaires, milliardaire et célibataire, qui pouvait s'envoler sur son jet privé pour passer des week-ends à Londres, aux Bermudes et à Vail, au Colorado, où il possède des résidences.

Dans l'Upper West Side, la plupart des électeurs de Bill de Blasio se réjouissent à l'idée d'un changement de style à la mairie de New York.

«J'ai aimé ce que Bloomberg a fait de façon générale», a déclaré Marjorie Horne, une planificatrice d'événements âgée de 66 ans. «Mais je n'ai pas aimé son attitude. Trop impersonnel.»

Des partisans de Blasio espèrent aussi que son élection permettra à la ville de s'engager dans une nouvelle direction.

«Je pense que nous avons besoin d'un changement, même si Bloomberg a fait plusieurs bonnes choses», a déclaré Bruce Segal, un musicien de 47 ans. «Il y a trop d'avantages fiscaux pour les riches, pour les développeurs, pour les immeubles de luxe. Nous avons besoin d'un nouvel équilibre. Cela dit, je ne suis pas sûr que de Blasio y parviendra.»