Mi-urbain, mi-rural, l'État américain de Virginie élit mardi prochain son nouveau gouverneur, une élection en forme de baromètre de la popularité des deux grands partis américains, ainsi que de celle de la mouvance turbulente du Tea Party.

À droite, Ken Cuccinelli, 45 ans, un républicain anti-avortement, pro-armes à feu, actuel ministre de la Justice de Virginie. Il fut le premier dans le pays à engager une action en justice contre la grande réforme de l'assurance maladie de Barack Obama, en 2010.

À gauche, le démocrate Terry McAuliffe, 56 ans, un sourire permanent de commercial et grand ami des Clinton, qui a émergé depuis plusieurs semaines comme le favori de l'élection.

La terre électorale de Virginie, 8,2 millions d'habitants, s'étend des banlieues «bleues» de Washington - le bleu étant la couleur des démocrates -, à forte croissance démographique et grande diversité ethnique, jusqu'au sud rural de l'État, pays du charbon, et fief des conservateurs. Comme à l'échelle du pays, l'électorat hispanique prend plus de poids, les villes gagnent en habitants, et l'État a basculé en 2008 et 2012 pour le démocrate Barack Obama.

L'actuel gouverneur est républicain, mais la base conservatrice s'érode. Près des montagnes de la Shenandoah, quelques dizaines de militants attendent un matin de semaine Ken Cuccinelli, à Roanoke, à un peu moins de 400 km de la capitale.

Mike Jornlin, routier, arrive, sa voiture ornée d'autocollants du Tea Party. «Les démocrates, c'est le diable. Cela ne fait aucun doute. Ils veulent détruire ce pays», dit-il d'emblée.

Le candidat Cuccinelli ne cesse de rappeler ses galons de conservateur. Il ouvre son intervention en rappelant qu'il a reçu, enfant, un enseignement à la maison - un fait d'armes aux yeux des chrétiens conservateurs qui se méfient de l'école publique.

«Mon opposant ne peut pas commencer une phrase sans proposer de nouvelles dépenses : c'est typique des gauchistes, accrocs aux impôts et aux dépenses», raille-t-il.

«Vous n'avez pas fini de voir la fin des réductions de vos libertés à cause d'Obamacare», dit-il ensuite à propos de la réforme du système de santé. «Plus d'État, ça veut dire moins de liberté».

«Le Tea Party ne peut pas être la réponse à tout»

Mais la ligne dure du Tea Party au Congrès a provoqué, au niveau fédéral, la première paralysie des administrations depuis 1996, provoquant une «quasi-guerre civile» au sein du parti républicain.

En Virginie, les électeurs sont désormais 53 % à avoir une opinion défavorable du Tea Party, selon une enquête Washington Post/ABC. Les Virginiens qui s'identifient comme centristes (environ un tiers des électeurs) sont 64 % à avoir une opinion défavorable du parti républicain, selon l'institut de l'Université Quinnipiac.

Conséquence : dans tous les sondages publiés depuis cet été, Ken Cuccinelli est donné perdant. Un candidat «libertaire», Robert Sarvis, a profité de la désaffection et cannibalise une partie des voix de la droite.

«Le parti républicain a vraiment été endommagé», se lamente Mark Henderson, patron du restaurant Hollywood en bord de route à Roanoke. Il votera Cuccinelli, mais préfère les républicains traditionnels. «Le Tea Party ne peut pas être la réponse à tout, même si je pense qu'il faut réduire la taille de l'État».

Pour Larry Sabato, spécialiste de la carte électorale à l'Université de Virginie, «si les républicains continuent de choisir des candidats d'extrême droite, ils vont probablement continuer à perdre un État qui faisait partie de leur base électorale» à la présidentielle, donnant ainsi un avantage aux futurs candidats démocrates, et pourquoi pas à Hillary Clinton.

Son mari Bill a lui-même fait campagne pour Terry McAuliffe près de Washington pour exploiter la débâcle du camp conservateur, et associer dans l'esprit des électeurs le Parti républicain à l'irresponsabilité gouvernementale.

«Pourquoi est-ce que tous ces gens du Tea Party sont si aigris? Pourquoi veulent-ils toujours qu'on se batte tout le temps?», a-t-il lancé, moqueur.