Seule une minorité de prisonniers est encore en grève de la faim dans les geôles de Guantánamo, plus de huit mois après le début d'un mouvement historique, mais «rien ne sera plus jamais comme avant», prédisent leurs avocats.

Même le plus tenace des grévistes de la faim, Shaker Aamer, le dernier résident britannique à être enfermé à Guantánamo, semble y avoir renoncé. Aamer, «un professionnel de la grève de la faim», selon son avocat Clive Stafford Smith, est connu pour ses jeûnes réguliers depuis son incarcération à Guantánamo en 2002.

Le Saoudien, marié à une Britannique et père de quatre enfants, avait perdu la moitié de son poids pendant la grève de la faim de 2005. Il n'est plus comptabilisé parmi les 14 grévistes, tous alimentés de force, dénombrés par la prison selon des critères officiels.

«Il est en mauvaise forme physique», raconte son avocat à l'AFP, juste après avoir rencontré son client à Guantánamo, «et émotionnellement, psychologiquement, je ne l'ai jamais vu dans cet état, tout cela parce qu'il avait de l'espoir et que son espoir s'est à nouveau envolé».

Dans la prison qui compte encore 164 détenus, le mouvement qu'avocats et autorités qualifiaient de «sans précédent par sa durée et sa magnitude» a concerné 106 participants au plus fort de la grève, dont un maximum de 46 ont été nourris par sondes naso-gastriques.

«Depuis cet été, le nombre ne cesse de chuter», explique à l'AFP le commandant John Filostrat, le nouveau porte-parole de la prison. «Il reste un noyau de détenus qui ne mangent pas régulièrement, mais, conformément à notre politique de garder les détenus en bonne santé, nous leur administrons de la nourriture par sondes».

«Pour une grève de la faim, c'est long», commente David Remes, évoquant la durée du mouvement. Mais «les hommes ne vont pas reprendre leur vie comme si de rien n'était. Rien ne sera jamais plus comme avant», prédit l'avocat, dont deux des 15 clients sont toujours nourris de force.

«Guantánamo sur l'écran radar»

«Personne ne s'intéressait plus à Guantánamo, la grève de la faim l'a remis sur l'écran radar et à l'ordre du jour national», dit-il à l'AFP, se félicitant de «ce succès».

En mai dernier, après trois mois de grève de la faim, le président Barack Obama a réitéré sa promesse de campagne de fermer Guantánamo. Il a levé le moratoire sur le rapatriement des détenus yéménites et annoncé début octobre la nomination d'un émissaire chargé de fermer la prison.

Dans les faits, les transfèrements, au compte-goutte sous l'administration Obama, ont repris fin août avec le retour dans leur pays de deux Algériens. Mais 84 autres hommes, dont 56 Yéménites, ont reçu le feu vert des autorités militaires américaines pour un transfèrement vers leur pays d'origine. Et d'autres dossiers sont passés au crible.

La grève de la faim «semble avoir accéléré le processus des transfèrements», estime David Remes. Mais «un rythme trop lent des rapatriements pourrait bien conduire à une autre grève de la faim». Il avertit que la quinzaine de prisonniers qui poursuivent leur jeûne et endurent la procédure d'alimentation forcée «ne seront pas satisfaits tant qu'ils ne seront pas transférés».

En attendant, ils continuent de protester contre leur alimentation forcée. Shaker Aamer et deux autres détenus ont porté l'affaire devant un tribunal de Washington.

Un des accusés du 11-Septembre, Moustapha al-Houssaoui, qui «s'alimente très peu», mais n'est pas compté parmi les grévistes, selon son avocat Walter Ruiz, l'a dénoncée devant le tribunal militaire de Guantánamo.

«Espérons qu'il n'y aura pas d'autre provocation sur fond de frustration latente», renchérit Me Remes.

C'est une fouille qui avait déclenché la grève de la faim, le 6 février, quand des gardiens ont examiné des corans d'une manière jugée blasphématoire par les prisonniers.