Les bras croisés, le regard sombre, Ed Maloney observe les mouvements saccadés d'une pelle mécanique qui achève le déblaiement d'un terrain situé entre une habitation en bonne condition et une autre en piteux état.

«La maison de ma fille se trouvait là», dit l'homme de 86 ans en désignant du menton le terrain désormais vide. «Elle ne voulait pas assister à sa démolition. Elle trouvait ça trop difficile au plan émotif.»

«Elle ne sait même pas que je suis ici», ajoute-t-il d'une voix assez forte pour couvrir le bruit de la pelle et du vent provenant de l'océan, tout proche.

C'était samedi après-midi à Ortley Beach, petite localité située sur la côte atlantique, à mi-chemin entre New York et Atlantic City. La scène illustrait parfaitement la situation de plusieurs victimes de Sandy au New Jersey, l'État le plus fortement touché par l'ouragan, il y a un an aujourd'hui. Ou bien elles n'ont pas encore terminé ni même commencé la reconstruction de leurs maisons endommagées ou détruites, ou bien elles ressentent encore des émotions douloureuses.

Et ce qui est vrai à Ortley Beach l'est tout autant, sinon plus, à Mantoloking, considérée comme l'épicentre d'une super tempête qui a plongé 5,5 millions d'habitants du New Jersey dans le noir, endommagé ou détruit 360 000 maisons et commerces, et interrompu les livraisons de carburant pendant plusieurs jours.

Localité anéantie

Le 29 octobre 2012, les 521 maisons de Mantoloking, une localité située sur une île étroite, ont toutes été abîmées ou détruites. Parmi celles qui faisaient directement face à la plage, 48 ont été littéralement englouties par des vagues atteignant près de 11 mètres de hauteur et défilant à une vitesse de 40 km/h.

«Je suis encore sous le choc un an après Sandy», dit Christine Wilder, une retraitée qui est retournée vivre dans sa maison au mois d'août dernier avec son mari, après des travaux qui leur ont coûté 250 000$. «Je suis heureuse d'être de retour, mais j'aimerais que nous soyons plus nombreux dans le voisinage. Il y a des endroits où rien n'a changé, ce qui fait un peu peur.»

Mantoloking, en fait, a perdu ses allures de fin du monde. Au lendemain du passage de Sandy, ses rues étaient ensevelies sous plus d'un mètre de sable et encombrées de débris de toutes sortes. Au cours des trois semaines suivantes, des soldats de la garde nationale du New Jersey ont bouclé la localité, empêchant quiconque d'y rentrer, sauf les personnes autorisées.

Six semaines après l'ouragan, les propriétaires ont reçu la permission de commencer les travaux de rénovation. Mais plusieurs d'entre eux n'ont pas encore touché à leurs maisons détériorées ou détruites. Certains ont la chance de posséder une autre résidence, tandis que d'autres attendent encore le dédommagement de leurs assurances ou l'aide du gouvernement fédéral.

«Plusieurs personnes me disent qu'elles ont beaucoup d'ennuis avec leurs compagnies d'assurance», dit Steve Wilder, le mari de Christine, qui n'a pas vécu ce problème. «Les compagnies d'assurance ne veulent pas payer. Elles s'assoient sur leur argent le plus longtemps possible.»

Le nombre limité d'entrepreneurs en construction fiables est un autre facteur qui ralentit la reconstruction des maisons frappées par Sandy.

«Nous devons refuser du travail parce que nous en avons déjà trop», raconte Dan Miller, un entrepreneur de Brick, qui procédait au levage d'une maison de Mantoloking. «Les résidants préfèrent attendre leur tour plutôt que de confier leurs travaux à des gens qu'ils ne connaissent pas.»

«C'est bon pour nous, mais c'est triste de voir ce qui est arrivé ici», ajoute-t-il.

Été tranquille

À Seaside Heights, station balnéaire située à 14 km au sud de Mantoloking, Kevin Adrin ne peut pas dire que Sandy a eu un effet positif sur ses affaires. Il a ouvert le 4 juillet un petit commerce sur la promenade de la municipalité, qui a été complètement reconstruite après le passage de la super-tempête.

«L'été a été beaucoup plus tranquille que d'habitude, dit-il. La plupart des commerçants de la promenade ont connu une baisse de 50% de leurs chiffres d'affaires.»

La dernière année n'aura cependant pas été vaine selon lui.

«Sandy est le genre d'événement qui permet de vérifier ce que tu as dans le ventre», dit le jeune homme de 21 ans. «Et je pense que les gens du New Jersey s'en sont bien tirés. On voit les gens continuer à sourire, continuer à persévérer. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire, mais nous sommes sur la bonne voie.»