Cette fois-ci, Sarah Palin n'a pas encouragé les militants du Tea Party à «recharger» leurs armes à feu, comme elle l'avait fait en 2010 après l'adoption de la loi sur la santé de Barack Obama. La pasionaria du mouvement populiste de droite s'est contentée de les inciter à s'enrôler dans un nouveau combat en ciblant quatre États représentés au Sénat américain par des républicains.

«Commençons par le Kentucky, qui se trouve à être très proche de la Caroline-du-Sud, du Tennessee et du Mississippi», a écrit la républicaine d'Alaska sur sa page Facebook, au lendemain de l'accord mettant fin au blocage politique sur le budget et la dette publique à Washington.

«Nous ne lâcherons pas. Nous ne faisons que commencer à nous battre», a-t-elle ajouté en mobilisant ses troupes en vue des élections de mi-mandat de 2014.

Dans les quatre États mentionnés par Sarah Palin, les sénateurs sortants, y compris le chef de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell, devront disputer l'investiture de leur parti à des candidats issus du Tea Party l'an prochain. Ces derniers ne manqueront pas de les accuser d'avoir trahi les "principes" conservateurs.

S'il n'en tient qu'à Sarah Palin et à ses semblables, ce scénario se répétera également aux élections à la Chambre des représentants, où des républicains soupçonnés de modération solliciteront de nouveaux mandats.

«Nous nous approchons d'une guerre civile au sein du Parti républicain», a expliqué à La Presse Stuart Rothenberg, éditeur du Rothenberg Political Report. «D'un côté, vous avez l'establishment républicain, qui appuie des conservateurs pragmatiques. De l'autre côté, vous avez ce que j'appelle l'aile Tea Party et libertarienne du Parti républicain, qui veut faire élire des idéologues.»

Un pari risqué

Le dernier psychodrame budgétaire à Washington a révélé la fissure entre ces éléments du Grand Old Party. De toute évidence, l'establishment républicain espère que les militants du Tea Party et leurs représentants au Congrès tireront les bonnes leçons de la défaite de leur cause.

Stuart Rothenberg comprend très bien cet espoir, estimant que les divisions républicaines pourraient non seulement compromettre les chances du parti de conserver sa majorité à la Chambre en 2014, mais également de gagner la Maison-Blanche en 2016.

«Cette guerre civile serait mauvaise pour le Parti républicain pour deux raisons, a déclaré l'expert indépendant. Premièrement, les républicains sont déjà considérés comme extrêmes et, dans la mesure où l'aile Tea Party, l'aile Ted Cruz, attire l'attention, cela ajoute à la perception que les républicains tournent encore davantage à droite. Deuxièmement, et c'est un principe qui ne vaut pas seulement pour le Parti républicain, les électeurs ne veulent pas porter au pouvoir un parti qui est en guerre avec lui-même. Les gens votent pour un parti qui a un programme, qui sait où il s'en va.»

Il n'est évidemment pas assuré que cette guerre civile aura lieu ou que les électeurs se souviendront en novembre 2014 du fiasco républicain d'octobre 2013. Comme le prouve la trajectoire récente de Barack Obama, tout peut changer rapidement en politique. Ainsi, après avoir flirté avec un désastre au Congrès dans le dossier des armes chimiques en Syrie, le président se trouve aujourd'hui crédité d'une victoire qui, aussi étriquée soit-elle, lui donne la chance de relancer sa présidence.

Il tentera notamment de négocier avec les républicains du Congrès une entente budgétaire à long terme et une réforme de l'immigration. Mais il continuera à affronter des adversaires farouches qui se battent contre lui pour des raisons inavouables, selon Christopher Parker, auteur d'un livre sur le Tea Party intitulé Change They Can't Believe In: The Tea Party And Reactionary Politics in America.

«Les militants du Tea Party et leurs représentants à Washington ne bougeront pas. Ils ont peur de ce président et de tout ce qu'il représente. Et tant que le président Obama sera à la Maison-Blanche, ils continueront leur lutte», a déclaré à La Presse ce politologue de l'Université de Washington à Seattle.

«J'entends des commentateurs dire: «Eh bien! ils ont peut-être appris leur leçon, le Parti républicain sera en mesure de les ignorer ou de les empêcher de dominer les débats. Cela n'arrivera pas. Ces élus représentent des gens qui ne peuvent accepter qu'un homme noir soit à la tête du pays. Ils feront tout pour s'assurer que ce président ne connaisse pas le succès, même si cela signifie faire exploser l'économie.»

Et peut-être leur propre parti.

Nouveau compte à rebours à washington

À peine Barack Obama venait-il d'apposer sa signature au bas de l'entente adoptée in extremis mercredi par le Congrès qu'un nouveau compte à rebours commençait.

L'entente prévoit la convocation d'une commission bicamérale qui doit parvenir à définir les contours d'un budget pour l'année 2014 avant le 13 décembre. Ce budget devra ensuite être adopté par le Congrès avant le 15 janvier 2014, échéance à partir de laquelle la loi de finances adoptée cette semaine prendra fin.

Est-ce à dire qu'une autre impasse budgétaire guette les États-Unis? Le chef de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell, a écarté au moins un scénario jeudi: son parti n'utilisera pas les prochaines échéances budgétaires pour s'en prendre de nouveau à la réforme du système de santé promulguée par le président.

«Je pense que nos nouveaux membres sont désormais pleinement au courant du fait qu'il s'agissait d'une stratégie perdante», a-t-il déclaré au journal The Hill.

Mais le sénateur McConnell est peut-être trop optimiste. Ted Cruz, l'un de ses nouveaux membres, a refusé, de son côté, d'écarter la possibilité d'une autre paralysie de l'État pour attaquer la bête noire du Tea Party.

«Je ferais tout, et je continuerai à tout faire, pour stopper la catastrophe qu'est l'Obamacare», a déclaré le sénateur du Texas jeudi matin.

La commission bicamérale sur le budget sera coprésidée par la sénatrice démocrate de l'État de Washington Patty Murray et le représentant républicain du Wisconsin Paul Ryan.