Bogues, ralentissements, problèmes de connexion : le site qui doit permettre à des millions d'Américains d'accéder à une assurance maladie connaît des débuts chaotiques, jusqu'ici occultés par les débats budgétaires qui ont paralysé Washington pendant 15 jours.

Lancé le 1er octobre, le site, fer de lance de la réforme du système de santé promue par Barack Obama, est géré pour 36 États par le gouvernement fédéral. Les 14 autres États gèrent le système localement avec leurs propres sites internet.

«Ce qui me brise le coeur, (...) c'est que nous éclipsons totalement le fait que le lancement d'Obamacare a été mené de manière catastrophique», déplorait il y a quelques jours le sénateur républicain Lindsey Graham sur ABC.

Ironie de l'histoire, jusqu'à son règlement in extremis mercredi soir, la crise sur le budget et la dette qui a paralysé Washington a très largement occulté les problèmes rencontrés sur le site, alors même que les élus républicains bataillaient au Congrès justement pour s'opposer... à la réforme de santé promue par Barack Obama.

«Paralysie du gouvernement : Obamacare évite les balles», résumait en début de semaine le Los Angeles Times.

Le lancement du site a été «un échec énorme», estime Bob Laszewski, consultant spécialisé dans l'industrie et le marché de la santé. «D'après mes estimations, au cours des deux premières semaines, seuls 10 000 Américains se sont inscrits dans les 36 États dans lesquels le site internet est géré par le gouvernement fédéral», explique-t-il à l'AFP.

Selon des estimations du Washington Post, quelque 185 000 personnes avaient souscrit mercredi une assurance dans les 14 États où le système est géré localement. Le célèbre quotidien de la capitale américaine fustige également la canadienne CGI - et son fondateur Serge Godin -, qui, par l'entremise de sa filiale CGI Federal, a conçu en grande partie le site web healthcare.gov par lequel les Américains sont invités à s'enregistrer pour l'Obamacare, portail qui connait des ratés. Face aux critiques, l'administration refuse pour le moment de divulguer le nombre de personnes qui ont souscrit une assurance sur son site, promettant des données mensuelles à compter du mois de novembre.

«Les gens vont perdre confiance»

Mais le total reste en tout état de cause loin des quelque 7 millions d'Américains qui pourraient souscrire une assurance dès 2014 grâce au système, selon les prévisions du Bureau du budget du Congrès, un organisme indépendant. Au total, plus de 50 millions d'Américains n'ont pas d'assurance maladie.

«Habituellement, une société lance un projet comme celui-là dans une ville, puis dans quelques villes. Elle regarde ce qui ne fonctionne pas bien et le répare avant un lancement national», soulignait début octobre auprès de l'AFP Jeff Kagan, un analyste indépendant spécialisé dans les nouvelles technologies, s'étonnant que l'administration Obama n'ait pas procédé ainsi.

«Si tout cela n'est pas réglé d'ici quelques jours, les gens vont perdre confiance en Obamacare», prévient de son côté Bob Laszweski. «Et seuls les gens les plus malades, ceux qui sont prêts à supporter tous ces problèmes, à attendre en ligne, à patienter des heures au téléphone, vont souscrire au programme. Il n'y aura alors pas assez de souscripteurs en bonne santé pour équilibrer le système».Certains républicains sont même allés jusqu'à réclamer la tête de la secrétaire à la Santé Kathleen Sebelius. «La réforme du système de santé va bien au-delà d'un site internet», souligne Jay Carney, le porte-parole de la Maison-Blanche, qui revendique plus de 17 millions de visiteurs uniques sur le site depuis le 1er octobre.

Les partisans du système, ou du président, rappellent aussi volontiers que les débuts des grands programmes sociaux comme Medicare ou Medicaid, destinés aux personnes âgées et aux plus pauvres, avaient aussi été difficiles, ce qui n'avait en rien atténué leur réussite en fin de compte.«Les prévisions étaient que 60 000 personnes créeraient un compte exactement au même moment sur le site. Finalement, il y en a eu 250 000», soulignait jeudi sur CNN Aneesh Chopra, ex-directeur chargé des nouvelles technologies à la Maison-Blanche sous Barack Obama, affichant sa «grande confiance» dans le fait que le problème soit réglé «dans les prochaines semaines» : «Quand on se souviendra de tout ce processus, ces histoires ne seront qu'une note en bas de page».

Le jour même du lancement du site, Barack Obama, lui, rappelait le lancement récent du nouveau système d'exploitation pour mobiles d'Apple : «Au bout de quelques jours, ils ont trouvé un bogue, qu'ils ont donc réparé. Je ne me rappelle pas que quiconque ait suggéré à Apple d'arrêter de vendre des iPhones ou des iPads ou de faire fermer le groupe s'il ne le faisait pas».