Les États-Unis ont assuré dimanche qu'ils continueraient à «maintenir les terroristes sous pression», après deux raids, l'un en Somalie, l'autre à Tripoli qui a mené à la capture d'un chef présumé d'Al-Qaïda et poussé la Libye à demander des «explications» à Washington.

Qualifiant la capture d'Abou Anas al-Libi d'«enlèvement», le gouvernement libyen a dit ne pas avoir été préalablement informé et avoir «contacté les autorités américaines pour leur demander des explications», tout en rappelant qu'il était lié à Washington par un «partenariat stratégique».

Un responsable américain a indiqué à l'AFP qu'Abou Anas, qui figurait sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI, avec une récompense promise de 5 millions de dollars, avait été transporté à bord d'un navire de guerre de l'US Navy se trouvant dans la région, où il était actuellement interrogé.

A l'inverse, la Somalie, où un autre raid américain a visé les islamistes shebab, a affirmé qu'elle coopérait «avec des partenaires internationaux dans la lutte contre le terrorisme».

Sans faire référence à ces déclarations, le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a expliqué dans un communiqué dimanche qu'Abou Anas, recherché pour des attentats meurtriers commis en 1998, était désormais «détenu par les États-Unis».

Abou Anas est dans «un lieu sûr, à l'extérieur de la Libye», avait auparavant indiqué un autre responsable américain selon lequel l'opération «a été approuvée par le président Obama». Il pourrait être transféré vers les États-Unis.

Washington, a également déclaré le patron du Pentagone, continuera à «maintenir une pression constante sur les groupes terroristes qui menacent notre peuple et nos intérêts et, si nécessaire, nous mènerons des opérations directes contre eux en conformité avec nos lois et nos valeurs».

Ses déclarations faisaient écho à celles du secrétaire d'État John Kerry qui, plus tôt dimanche, avait assuré depuis l'Indonésie que les États-Unis «ne cesseront jamais leurs efforts pour que les responsables d'actes de terrorisme rendent des comptes».

Anou Anas al-Libi, de son vrai nom Nazih Abdul Hamed al-Raghie, a été membre du Groupe islamique de combat libyen (Gicl) avant de rejoindre Al-Qaïda. Il était recherché par les États-Unis pour son rôle dans les attentats meurtriers de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya qui avaient fait plus de 200 morts.

Un tribunal de New York l'a d'ailleurs mis en accusation pour ces faits et son «rôle présumé» au sein du réseau extrémiste, selon George Little, un porte-parole du Pentagone.

Selon les médias américains, l'opération a été menée par des Navy Seals, assistés par le FBI et la CIA.

Mais son fils Abdallah al-Raghie a affirmé que le gouvernement libyen était impliqué dans l'enlèvement. «Ceux qui ont enlevé mon père sont des Libyens. Leur apparence est celle de Libyens et ils parlaient le dialecte libyen», a dit le jeune homme à des journalistes devant la maison familiale. Tripoli a formellement démenti avoir donné son autorisation à ce raid.

Le raid libyen s'est accompagné d'une autre opération d'envergure, en Somalie cette fois. Aucun personnel américain n'a été tué ou blessé dans ces deux opérations, selon les autorités américaines.

Opération contre les shebab

Dans la soirée de samedi, George Little du Pentagone a confirmé que le 2e raid visait un islamiste appartenant au groupe somalien des shebab (Les jeunes, en arabe).

«Je peux confirmer qu'hier, le 4 octobre, des militaires américains ont été déployés dans le cadre d'une opération d'antiterrorisme visant un terroriste shebab connu», a indiqué le porte-parole à l'AFP.

Selon un responsable américain cité par le New York Times, ce dirigeant shebab a probablement été tué, mais les forces spéciales américaines ont été obligées de se retirer avant d'avoir confirmation de cette mort.

«Le personnel américain a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter de tuer des civils et ils se sont désengagés après avoir fait quelques victimes chez les shebab», a indiqué un autre responsable. «Nous ne sommes pas en mesure d'identifier ces victimes», a-t-il ajouté.

A la différence des Libyens, le Premier ministre somalien Abdi Farah Shirdon a déclaré à la presse que cette coopération n'était «pas un secret».

Il s'agit de la plus importante opération américaine menée sur le sol somalien depuis que des forces spéciales ont tué il y a quatre ans un chef des islamistes shebab, Saleh Ali Saleh Nabhan. Elle survient deux semaines après l'attaque, revendiquée par les shebab, du centre commercial Westgate à Nairobi, et qui a fait au moins 67 morts.

Les shebab ont de leur côté affirmé avoir été attaqués dans la nuit de vendredi à samedi, par la mer et par les airs, par des commandos de forces spéciales britanniques et turques qui visaient une maison appartenant à un chef important de leur mouvement, dans le port somalien de Barawe (sud), qu'ils contrôlent toujours. Londres et Ankara ont toutefois démenti fermement tout rôle dans cette opération.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole shebab Abdulaziz Abu Musab a fait d'état d'un mort dans les rangs shebab et de «nombreuses victimes» parmi les forces étrangères.

Les shebab ont subi d'importants revers militaires dans le centre et le sud somaliens ces deux dernières années, infligés par l'armée éthiopienne et une force de l'Union africaine (Amisom) à laquelle participe le Kenya voisin. L'armée éthiopienne et l'Amisom interviennent pour soutenir les fragiles autorités de Mogadiscio.

Mais les islamistes affiliés à Al-Qaïda contrôlent encore de vastes parties des zones rurales. Barawe, à quelque 180 km au sud de la capitale somalienne Mogadiscio, est un des rares ports encore contrôlés par les islamistes.

Plusieurs opérations de forces spéciales occidentales ont été menées en Somalie dans le passé, notamment pour tenter de libérer des otages aux mains des islamistes ou de groupes de pirates.

La Somalie est en état de guerre civile, livrée au chaos depuis la chute du président Siad Barre en 1991.