Le ton est à nouveau monté vendredi à Washington où le président républicain de la Chambre des représentants s'est emporté contre la Maison-Blanche, en l'absence du moindre progrès au quatrième jour de la paralysie de l'État fédéral.

«Ce n'est pas un jeu!», a lancé John Boehner lors d'une conférence de presse, réagissant à une citation d'un responsable de l'administration du président Barack Obama qui, sous couvert de l'anonymat, avait affirmé au Wall Street Journal que «nous (l'exécutif démocrate) sommes en train de gagner» la bataille de cette crise budgétaire.

«Les Américains ne veulent pas de paralysie de leur État fédéral, et moi non plus. Tout ce que nous demandons est de nous asseoir, d'avoir une discussion, de rouvrir l'État fédéral et d'introduire de l'équité pour les Américains dans "Obamacare"», a tonné M. Boehner, en utilisant le surnom donné à la loi sur l'assurance maladie promulguée en 2010 par le président Obama.

«C'est aussi simple que cela. Mais cela commence par une simple discussion», a-t-il insisté.

Cette manifestation de colère de M. Boehner répondait à une hausse de ton de M. Obama, qui avait mis nommément en cause la veille le chef républicain, en lui reprochant de ne pas vouloir «s'aliéner les extrémistes dans son parti».

Le journal spécialisé Politico a en outre affirmé vendredi que le chef de file démocrate du Sénat, Harry Reid, avait qualifié M. Boehner de «lâche».

M. Obama et ses alliés démocrates, majoritaires au Sénat, ont proposé de négocier formellement sur un budget à long terme mais exigent comme condition le vote par la Chambre, dominée par les républicains, d'une loi de finances de six semaines pour rouvrir l'ensemble des administrations fédérales.

«Ce n'est pas un jeu», a répondu vendredi à M. Boehner le porte-parole de M. Obama, Jay Carney, sur son compte officiel Twitter. «Pourquoi empêcher la Chambre de voter sur une loi de finances? Beaucoup de républicains voteront oui et l'État fédéral ne sera plus paralysé», a-t-il fait valoir.

Les républicains ont adopté une stratégie de réouverture des agences fédérales au compte-goutte, en commençant par les parcs, musées et monuments nationaux. Mais cette approche «par morceaux» est jugée hypocrite par les démocrates, qui refusent de s'y associer. La Maison-Blanche a prévenu vendredi que M. Obama y opposerait son veto.

Les marchés inquiets

Traduction de ce dialogue de sourds, et alors que les deux chambres du Congrès devraient siéger ce week-end, M. Obama a annulé jeudi soir l'intégralité de la tournée en Asie qu'il devait effectuer la semaine prochaine.

«Étant donné la paralysie de l'État fédéral, le voyage du président Obama en Indonésie et au Brunei a été annulé. Le président a pris cette décision vu la difficulté d'organiser un déplacement» en une telle période, a précisé l'exécutif.

De même source, le secrétaire d'État John Kerry dirigera les délégations américaines en Indonésie et au Brunei, où vont se dérouler respectivement le sommet du «forum de Coopération de l'Asie-Pacifique» à partir de lundi, puis le sommet de l'Asean (Association des nations d'Asie du Sud-Est) et de l'Asie de l'Est à partir de mercredi.

M. Obama avait déjà dû écourter la tournée qu'il prévoyait dans la région, en renonçant à des étapes initialement prévues en Malaisie et aux Philippines, là encore en raison de la crise budgétaire. Il s'agit d'un revers pour le président en politique étrangère, lui qui a fait du renforcement de la présence économique, diplomatique et militaire des États-Unis en Asie l'une de ses priorités depuis 2009.

Faute d'un accord sur le budget au Congrès, les administrations centrales des États-Unis sont partiellement fermées depuis mardi minuit, et quelque 900 000 fonctionnaires fédéraux, soit 43% des effectifs, ont été mis d'office en congés sans solde, selon les chiffres du site GovExec.

Les troupes de M. Boehner, opposées à la réforme de l'assurance-maladie dont un volet crucial est entré en vigueur mardi, refusent de voter un budget qui n'en supprimerait pas le financement.

Ces élus ont aussi menacé de lier cette question à celle du relèvement du plafond légal de la dette, nécessaire d'ici au 17 octobre.

Si le Congrès n'y donne pas son feu vert, les États-Unis risqueront de se retrouver en défaut de paiement à partir de cette date, une situation sans précédent sur laquelle le Trésor a une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme jeudi, et qui commençait vendredi à provoquer l'inquiétude des marchés mondiaux.

«Le marché du crédit pourrait se geler, la valeur du dollar plonger et les taux d'intérêt américains monter en flèche, conduisant à une crise financière et à une récession qui rappelleraient les événements de 2008, voire pire», a averti le Trésor, évoquant un défaut de paiement «potentiellement catastrophique».