La paralysie fédérale semblait s'installer dans la durée aux États-Unis après un troisième jour infructueux au Congrès, l'administration de Barack Obama tirant la sonnette d'alarme à l'approche de l'échéance cruciale du plafond de la dette, le 17 octobre.

En l'absence de toute négociation, Barack Obama s'en est directement pris à son principal interlocuteur républicain, le dirigeant de la Chambre des représentants John Boehner, lui reprochant de ne pas vouloir «s'aliéner les extrémistes dans son parti».

«Votez (un budget), arrêtez cette comédie et mettez fin à cette paralysie!», a lancé le président américain lors d'une intervention au ton très musclé dans une PME de Rockville (Maryland) près de Washington.

Faute d'un accord sur le budget au Congrès, les administrations centrales des États-Unis sont partiellement fermées depuis mardi minuit, et quelque 900 000 fonctionnaires, soit 43% des effectifs, ont été mis d'office en congés sans solde selon le site GovExec.

Les troupes de M. Boehner, opposées à la réforme de l'assurance-maladie promulguée par M. Obama en 2010 et dont un volet crucial est entré en vigueur mardi, refusent de voter un budget qui n'en supprimerait pas le financement.

Ces élus ont aussi menacé de lier cette question à celle du relèvement du plafond de la dette, nécessaire d'ici au 17 octobre.

Si le Congrès n'y donne pas son feu vert, les États-Unis risqueront de se retrouver en défaut de paiement à partir de cette date, une situation sans précédent sur laquelle le Trésor a une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme.

«Le marché du crédit pourrait se geler, la valeur du dollar plonger et les taux d'intérêt américains monter en flèche conduisant à une crise financière et à une récession qui rappelleraient les événements de 2008, voire pire», a averti jeudi cette administration dans un rapport évoquant un défaut de paiement «potentiellement catastrophique».

La nouvelle stratégie des républicains, qui contrôlent la moitié du Congrès et disposent ainsi d'un pouvoir de blocage, consiste à tenter de rouvrir les agences fédérales une par une, pour atténuer la «douleur» de la paralysie de l'État.

Les fonctionnaires pourraient être payés rétroactivement

Les journées de chômage technique subies par des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux américains depuis mardi pourraient se transformer, de fait, en congés payés si le Congrès votait au final une loi rétroactive pour verser les salaires perdus.

Cette semaine, des élus de la Chambre des représentants et du Sénat ont déposé des propositions de loi à cet effet.

«Ils méritent leur salaire, pas une punition financière», a déclaré l'auteur de la mesure, le représentant démocrate Jim Moran, soutenu par près de 100 élus des deux partis.

Selon le décompte du site spécialisé sur l'administration fédérale GovExec, environ 900 000 fonctionnaires fédéraux sur 2,1 millions (43%) ont été déclarés «non essentiels» et étaient donc forcés depuis mardi matin de rester chez eux, des journées non rémunérées.

Les élus les plus inquiets représentent les circonscriptions de la région de Washington, dans le Maryland ou en Virginie, où la majorité des employés fédéraux vivent et votent.

Mais pour certains parlementaires, il était encore trop tôt pour rassurer les fonctionnaires.

«La probabilité (d'un paiement rétroactif) est moindre, étant donné le déficit budgétaire important», a dit le sénateur républicain Charles Grassley, selon le Huffington Post. «Nous sommes dans une situation bien pire» qu'en 1995/96, a-t-il estimé.

Les fonctionnaires renvoyés chez eux peuvent faire une demande d'allocations chômage, a précisé le département du Travail. Mais ces aides pourraient mettre deux à trois semaines avant d'être versées, et en cas de paie rétroactive, les bénéficiaires seront dans l'obligation de rembourser les allocations perçues.

Le FMI alarmé

Mercredi puis jeudi, la Chambre a adopté des mesures pour mettre fin à la fermeture des parcs, musées et monuments nationaux, des Instituts nationaux de la santé (NIH), où des projets de recherche expérimentaux contre des maladies graves sont menés, et des services d'aides aux anciens militaires, ainsi que pour payer les réservistes de l'armée et les soldats de la Garde nationale en temps et en heure.

Mais le Sénat devrait rejeter cette approche «par morceaux» et Barack Obama a de toute façon l'intention d'y opposer son veto.

Le Sénat devrait rester en séance tout le week-end, selon le chef de la majorité démocrate Harry Reid.

Une rencontre de plus d'une heure à la Maison-Blanche mercredi soir entre le président et les chefs de file du Congrès n'a pas fait bouger les lignes. «Le président a répété une nouvelle fois qu'il ne voulait pas négocier», s'est plaint M. Boehner à la sortie.

Dans cette bataille qui se mène aussi sur le terrain de l'opinion publique, M. Obama semble bénéficier d'un plus grand soutien que ses adversaires: 72% des Américains ne sont pas d'accord avec l'idée de paralyser l'État en raison d'un désaccord sur la réforme de l'assurance-maladie, contre 25% qui pensent que c'est une bonne idée, selon une enquête CBS publiée jeudi.

Et au-delà de la paralysie fédérale, le monde a désormais les yeux fixés sur le 17 octobre.

«La paralysie budgétaire est déjà assez néfaste, mais l'incapacité de relever le plafond de la dette serait pire encore, et pourrait non seulement gravement endommager les États-Unis, mais également l'ensemble de l'économie mondiale», a averti Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international, jeudi lors d'un discours à Washington.

Des élus républicains, notamment le sénateur Bob Corker, estimaient cependant qu'il était illusoire de vouloir négocier un budget temporaire indépendamment de l'échéance sur le plafond de la dette.

Les démocrates ont laissé la porte ouverte à un éventuel «grand compromis».

La crise a eu des répercussions sur l'agenda international de M. Obama, qui a annulé mercredi une visite prévue le 11 octobre en Malaisie et une autre aux Philippines. Le doute plane en outre sur la présence du président à deux sommets internationaux, celui de l'Apec (Asie-Pacifique) lundi à Bali (Indonésie), et celui d'Asie de l'Est, programmé dans la foulée à Brunei.