Les récentes batailles budgétaires à Washington ont habitué les Américains à des ententes de dernière minute qui leur ont permis d'éviter le pire. Mais le bras de fer qui tient les États-Unis en haleine ces jours-ci pourrait bien faire exception.

Dans ce pays divisé et endetté, l'exercice fiscal en cours prend fin ce soir à minuit. Faute d'un accord au Congrès sur un budget d'ici là, l'État fédéral sera contraint de fermer ses portes pour la première fois depuis 17 ans à compter de demain matin.

L'espoir d'une entente a été réduit considérablement dans la nuit de samedi à dimanche. Après avoir rejeté un projet budgétaire voté la veille par le Sénat, la Chambre des représentants, dominée par les républicains, a adopté une loi de finances provisoire qui prévoit notamment de reporter d'un an la pleine application de la loi sur la santé de Barack Obama.

«La Chambre a de nouveau adopté un plan qui reflète le désir des Américains de maintenir les activités gouvernementales et d'arrêter la loi du président sur la santé», a déclaré le président de la Chambre, John Boehner, après le vote. «Il revient au Sénat d'adopter ce texte sans tarder pour empêcher une fermeture de l'État.»

Le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid, a annoncé son refus d'adopter le projet budgétaire de la Chambre avant même qu'il ne soit voté. Il l'ajournera cet après-midi, mettant ainsi la Chambre au défi d'adopter d'ici minuit une loi de finances laissant intacte la réforme du système de santé, pièce maîtresse de la présidence de Barack Obama.

Dans ce ping-pong budgétaire, démocrates et républicains tentent de rejeter sur le dos de la partie adverse la responsabilité d'une fermeture éventuelle de l'État fédéral.

«Nous sommes toujours prêts à débattre de ces questions dans un climat calme et rationnel. Mais le peuple américain ne sera pas racketté par des anarchistes du Tea Party», a déclaré le sénateur Reid en faisant allusion aux élus républicains qui se sont donné pour mission d'entraver la mise en vigueur de l'Obamacare, adoptée en 2010 par le Congrès et validée par la Cour suprême en 2012.

Tentant de se montrer raisonnable, Kevin McCarthy, numéro trois des républicains à la Chambre, a évoqué dimanche la possibilité d'un compromis. Selon ses dires, les républicains pourraient se contenter de demander l'annulation d'une nouvelle taxe sur les équipements médicaux, un moyen de financer la réforme de la santé, en échange de leur appui à un budget qui financerait les activités du gouvernement jusqu'au 15 novembre.

Richard Durbin, numéro deux des démocrates au Sénat, s'est dit prêt à examiner cette proposition, «mais pas avec un fusil sur la tempe, pas avec la menace de la fermeture du gouvernement».

Ce bras de fer budgétaire pourrait n'être qu'un avant-goût d'un affrontement encore plus important au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette. Ce plafond, actuellement à 16 700 milliards de dollars, doit être relevé d'ici le 17 octobre, faute de quoi les États-Unis se retrouveront en défaut de paiement, selon le Trésor américain.

Les républicains de la Chambre entendent utiliser cette date butoir pour soutirer d'autres concessions budgétaires à Barack Obama et à ses alliés du Congrès. Le président a cependant promis de ne pas négocier avec ses adversaires sur cette question.

«Je ne négocierai pas sur la responsabilité qui est celle du Congrès de payer les factures qui ont déjà été accumulées. Voter pour autoriser le Trésor à payer les factures de l'Amérique, ce n'est pas me faire une concession ou une faveur. Il s'agit de la responsabilité solennelle des élus», a dit le président lors d'une conférence de presse vendredi.

Ouvert ou fermé?

La dernière fermeture des services administratifs du gouvernement fédéral s'est déroulée du 16 décembre 1995 au 6 janvier 1996. Elle découlait d'une bataille budgétaire entre l'administration démocrate de Bill Clinton et les républicains de la Chambre des représentants, menés par Newt Gingrich. Dix-sept ans plus tard, une fermeture de l'État fédéral entraînerait la mise au chômage technique de 800 000 fonctionnaires et la fermeture des musées et des parcs nationaux du pays, entre autres. Des millions de fonctionnaires continueraient à offrir des services dits essentiels, mais ne seraient pas payés. Les services jugés essentiels touchent à la sécurité nationale, à la sécurité sociale et aux transports aériens, entre autres. Dans l'éventualité d'une paralysie budgétaire, les bénéficiaires de l'aide sociale continueraient ainsi à recevoir des chèques, mais ceux-ci pourraient leur parvenir avec du retard.