L'armée de l'Air américaine a pour la première testé en vol un chasseur F-16 sans pilote destiné à servir de cible volante, marquant une nouvelle étape dans l'intégration des drones dans les activités militaires.

Le vol d'essai s'est déroulé la semaine passée au-dessus du golfe du Mexique et a duré 55 minutes, a affirmé mercredi à l'AFP Michelle Shelhamer, porte-parole du programme chez Boeing.

L'avion, piloté à distance depuis une station de contrôle au sol, et renommé QF-16 --Q étant le code pour désigner les drones-- a décollé de la base de Tyndall (Floride).

«C'était un peu différent de voir un F-16 décoller sans personne à l'intérieur mais c'était un superbe vol de bout en bout», s'est réjoui le lieutenant-colonel Ryan Inman, commandant le 82e escadron de cibles aériennes.

Comme cinq autres exemplaires auparavant parqués sous cocon en plein désert d'Arizona, le vieil avion a été ressuscité pour servir de cible d'entraînement pour les pilotes de chasse.

Au cours de son vol, l'appareil a atteint une altitude de près de 13 000 mètres et dépassé la vitesse du son (Mach 1). Il a également réalisé des loopings et des tonneaux, montrant qu'il était capable d'encaisser 9g, selon Michelle Shelhamer.

Des avions de chasse sans pilotes depuis 1997

Quand un avion effectue certaines manoeuvres à grande vitesse, l'accélération peut atteindre par exemple 9g, exerçant sur le corps du pilote une force équivalente à neuf fois son poids, ce que la plupart des pilotes ne peuvent encaisser.

«Cela en fait une cible plus réaliste», assure-t-elle, «c'est mieux pour entraîner les pilotes avec des cibles aériennes à échelle réelle».

Ce programme de «dronisation» conduit par Boeing a débuté en 2010 et doit se poursuivre au cours des prochains mois par des essais de tirs réels sur un champ de tir dans le Nouveau-Mexique, selon elle.

Avec plus de 4.500 exemplaires produits, le F-16 est l'avion militaire le plus répandu au monde et est toujours en service dans de nombreux pays du monde 39 ans après son vol inaugural, dont les États-Unis.

Qu'un ancien chasseur soit converti en avion sans pilote  «n'est pas une première», explique Peter Singer, spécialiste des drones à la Brookings Institution. L'Air Force a déjà converti 86 exemplaires du chasseur F-4 datant de la guerre du Vietnam en drones pour servir de cibles volantes depuis 1997.

«La flotte de QF-4 actuelle est très efficace mais vieillit. Il s'agit juste de la prochaine étape dans l'évolution du programme d'entraînement pour s'assurer que nos pilotes restent les meilleurs du monde», justifie un porte-parole de l'armée de l'Air, Randy Redman.

«Je peux vous assurer qu'il n'y aucun plan pour utiliser ces appareils au combat», a-t-il plaidé.

Cette nouvelle étape s'inscrit toutefois dans une interaction toujours plus grande entre les drones et les appareils «habités»: le mois dernier, l'US Navy a fait apponter pour la première fois un drone complètement automatisé, le X-47B, sur un porte-avions et elle entend disposer de drones dans ses groupes aéronavals d'ici la fin de la décennie.

L'armée de Terre travaille pour sa part sur des programmes où seraient utilisés des hélicoptères d'attaque sans pilotes avec des appareils traditionnels.

Pour Peter Singer, c'est cette tendance à l'imbrication croissante des technologies qui est révolutionnaire: «l'introduction des systèmes sans pilote est aussi importante que l'a été l'introduction du char d'assaut, de l'ordinateur ou du porte-avions».