Des dizaines de citoyens américains ont choisi ces dernières années de quitter leur vie confortable pour aller rejoindre les rangs des insurgés islamistes somaliens shebab, à l'origine de l'assaut contre un centre commercial de Nairobi, au Kenya.

Si le FBI a indiqué mardi ne pas pouvoir confirmer que deux ou trois Américains faisaient partie des assaillants ayant tué plus de 60 personnes dans le centre commercial Westgate, la communauté somalienne des États-Unis est nerveuse.

Surtout depuis que la ministre des Affaires étrangères kényanne Amina Mohamed a précisé qu'au moins un assaillant américain était originaire du Minnesota, qui compte la plus grande communauté somalienne aux États-Unis.

Selon le FBI, ces dernières années plus de 20 jeunes hommes issus de cet État du nord des États-Unis ont été recrutés par les shebab (les jeunes, en arabe), qui ont des liens avec Al-Qaïda.

Et d'après une enquête du Congrès de 2011, on est sans nouvelles de 21 combattants américains engagés avec les shebab qui continuent de «poser une menace directe» à la sécurité de leur pays.

Une quinzaine d'autres ont été tués au combat, dont Omar Hammami, un jeune né en Alabama (sud) d'une mère américaine et d'un père d'origine syrienne.

Au Minnesota, le FBI mène une enquête de longue haleine baptisée «Operation Rhino».

«Il s'agit d'une enquête en cours, elle a été lancée il y a plusieurs années», explique à l'AFP un porte-parole de la police fédérale, Kyle Loven.

Parmi la vingtaine de jeunes gens recrutés, au moins deux sont à l'origine d'attentats suicide.

Shriwa Ahmed a notamment été le premier citoyen américain connu à commettre un tel acte, lorsqu'en 2008 il a foncé avec un camion rempli d'explosifs contre un bureau des services de renseignement du Puntland, une région semi-autonome du nord de la Somalie. D'autres ont été tués dans la violente guerre civile qui ravage ce pays de la Corne de l'Afrique.

Menace éparse

Trois des «martyrs» originaires du Minnesota ont été filmés dans une longue vidéo postée sur internet par les shebab plus tôt cette année. «C'est vraiment Disneyland, ici. Vous devez venir nous rejoindre et vous amuser avec nous», y assure Troy Kastigar --le seul non-Somalien parmi les recrues-- dans ce document obtenu par la chaîne KMSP.

Selon Peter Bergen, directeur du centre de réflexion New American Foundation, le mouvement shebab «connaît un grand succès dans le recrutement d'Américano-somaliens» depuis que l'armée éthiopienne a envahi la Somalie en 2006. Des jeunes hommes ont été appelés à se battre pour défendre cette terre contre une «armée de croisés», écrit-il sur CNN.com, rappelant que l'Ethiopie est en majorité chrétienne.

Les autorités américaines sont parvenues ces dernières années à retrouver et poursuivre en justice des personnes ayant aidé à réunir des fonds pour les shebab ou à recruter de nouveaux militants, dont huit issues du Minnesota qui ont été condamnées à de lourdes peines.

Mais vu le nombre de citoyens américains recrutés, il faut s'attendre à ce qu'un jour l'un d'entre eux tente de frapper les États-Unis sur leur sol même, estime William Banks, directeur de l'institut pour la sécurité nationale et l'antiterrorisme de l'Université Syracuse.

«Nous avons connu de nombreux succès (...) et nous avons été extrêmement chanceux», dit-il dans une interview par téléphone. «Mais on ne peut pas être chanceux éternellement».

Si Al-Qaïda a été affaiblie par les États-Unis, estime M. Banks, la menace d'attentats est plus présente aujourd'hui qu'il y a dix ans. «Elle est plus éparse, plus difficile à localiser», souligne l'expert, qui rappelle qu'avec internet il est devenu plus facile pour des individus «d'attaquer à distance».

A la suite de la prise d'assaut de samedi revendiquée par les insurgés islamistes somaliens, les responsables religieux somaliens du Minnesota ont condamné les violences et appelé la jeunesse à rejeter l'extrémisme.