L'Américain Barrett Brown risque une peine de 105 ans de prison pour avoir diffusé un lien vers des informations obtenues par WikiLeaks, ce que des centaines de médias ont fait.

Peu avant 23h, le soir du 12 septembre 2012, des agents du FBI ont enfoncé la porte d'un petit appartement de Dallas. Barrett Brown, 31 ans, était assis devant son ordinateur quand les forces de l'ordre l'ont plaqué au sol, lui hurlant de «ne pas bouger».

Brown venait de faire connaissance avec les forces qu'il taraudait depuis des années dans ses articles publiés dans The Guardian, The Huffington Post et Vanity Fair. Et, plus directement, par des coups de fil enflammés à la maison du général Keith Alexander, directeur de la National Security Agency (NSA).

Aujourd'hui, Brown est en prison, en attente de subir deux procès qui commenceront l'an prochain. Il fait face à 17 chefs d'accusation, dont vol d'identité, vol de milliers de numéros de cartes de crédit, dissimulation de preuves et menaces sur l'internet. Il risque une peine de 105 ans de prison.

«Quand j'ai appris qu'ils voulaient l'envoyer en prison pour 105 ans, les deux bras me sont tombés, explique en entrevue Gregg Housh, militant de l'internet, ancien hacker avec le collectif Anonymous et ami de Barrett Brown. Barrett est excentrique et il s'emporte facilement, mais il n'a rien fait qui puisse justifier une telle peine.»

Porte-parole du collectif de hackers Anonymous, journaliste, citoyen engagé, auteur, Barrett Brown avait consacré son existence à l'exposition des liens entre le gouvernement et les entreprises de surveillance.

Une mission

En entrevue, Kevin Gallagher, fondateur et directeur de l'organisation Free Barrett Brown, explique que Brown se sentait investi d'une mission. «Il est devenu une sorte d'activiste devant le constat qu'à son avis, les médias traditionnels avaient échoué à couvrir les histoires importantes. Il croyait qu'Anonymous avait le potentiel de changer les choses», dit-il.

En 2010, les médias du globe étaient fascinés par Anonymous, qui attaquait les serveurs des grandes sociétés comme Visa, MasterCard ou Swiss Bank, en guise de représailles à leurs politiques anti-WikiLeaks.

Housh a demandé à Brown de donner quelques entrevues en tant que spécialiste du groupe. La même année, Brown a créé Project PM, un collectif en ligne qui se donnait pour mission d'analyser les données dévoilées par les hackers.

En 2011, Brown a copié-collé sur un forum internet un lien vers un document de la firme de sécurité Stratfor, rendu public par un hacker nommé Jeremy Hammond et disséminé par WikiLeaks.

Parmi les milliers de courriels et autres infos du document se trouvaient environ 5000 numéros de cartes de crédit de clients. Dans ses analyses, Brown ne s'est pas attardé à cette information. Mais aux yeux du gouvernement fédéral, son crime est clair: diffusion de numéros de cartes de crédit volés, qui vaut la majorité des 105 ans de prison réclamés contre lui.

«Plus de 800 médias dans le monde ont diffusé le lien, dit M. Housh. Jeremy Hammond, le hacker qui a volé l'info, a eu 10 ans de prison pour son crime. C'est bien évident qu'il y a un acharnement contre Barrett Brown.»

Bâillon

En mars 2012, Brown s'est mis à harceler au téléphone et sur le Net l'agent du FBI Robert Smith, responsable des perquisitions dans l'appartement où il résidait. Puis, il a diffusé des vidéos enflammées sur YouTube, dans lesquelles il s'en prenait à Smith. Pour ses amis, Barrett avait davantage besoin de soins professionnels que d'être plaqué au sol de son appartement par le FBI.

Après la publication de nombreux articles sur Brown dans la presse américaine et internationale, le juge affecté au dossier a imposé un bâillon, de sorte que ni Brown ni ses avocats ne peuvent aujourd'hui parler aux médias.

- Avec la collaboration de Philippe Mercure