Confiné à l'isolement depuis plus de 40 ans, Herman Wallace, ex-Black Panther, frappé d'une condamnation controversée pour le meurtre d'un Blanc dans l'Amérique raciste des années 70, implore la justice de le libérer, avant de mourir d'un cancer en phase terminale.

Herman Wallace, 72 ans, est un des «trois d'Angola», du nom de la prison d'Angola en Louisiane, réputée pour son passé raciste et baptisée ainsi, car elle fut construite sur une ancienne plantation où les esclaves venaient de ce pays d'Afrique australe.

Il est l'un des trois prisonniers qui ont attiré l'attention internationale après avoir passé à eux seuls plus d'un siècle à l'isolement pour le crime en 1972 d'un gardien de prison blanc, qu'ils ont toujours nié et dont les preuves ont été une à une remises en cause.

Si la peine capitale avait été en vigueur à l'époque, les trois hommes, adhérents des Black Panthers, ces militants de la cause noire luttant parfois dans la violence contre les discriminations raciales, auraient à coup sûr écopé du châtiment suprême.

«Les Black Panthers étaient carrément impopulaires à l'époque en Louisiane», a expliqué à l'AFP Carine Williams, l'une des avocates de Wallace. «C'est la raison pour laquelle ils ont été immédiatement soupçonnés et qu'ils sont restés confinés à l'isolement pendant si longtemps», a-t-elle dit.

Wallace, qui était écroué pour un cambriolage, a été condamné à la prison à vie, de même qu'Albert Woodfox, toujours enfermé, et Robert King, qui a été libéré, blanchi après 29 ans de prison.

Selon la défense de Wallace, les charges ne reposaient que sur le témoignage «incohérent» de quatre prisonniers qui se sont rétractés depuis. Aucune des empreintes digitales sur la scène du crime ne correspondait au condamné, dont des témoins ont attesté qu'il travaillait dans une autre partie de la prison.

«Les revendications de Wallace dans cette affaire sont exceptionnellement convaincantes et doivent être entendues, d'autant plus que Wallace a été récemment diagnostiqué avec un cancer», ont plaidé les avocats du prisonnier, en demandant au tribunal de relancer le dossier, au point mort depuis près de quatre ans.

Brian Jackson, juge d'un tribunal fédéral de Louisiane, leur a donné raison en juillet dernier, en reconnaissant que le dossier devait être «traité de manière rapide». Mais un mois et demi plus tard, il a rejeté une nouvelle requête de la défense demandant la libération conditionnelle de Wallace pour des raisons médicales.

«L'État utilisera tous les moyens en son pouvoir pour empêcher la libération de Wallace (qui) n'a pas montré l'existence de circonstances exceptionnelles lui permettant de bénéficier d'un régime particulier», avait argué le procureur Hillar Moore.

«Le plaignant a été condamné pour meurtre et cette condamnation a été confirmée deux fois par tous les tribunaux de l'État de Louisiane», avait-il ajouté.

«Une question de vie ou de mort»

«On m'a donné deux mois à vivre», a écrit le prisonnier, qui souffre d'un cancer du foie en phase terminale. «Je veux que le monde sache que je suis innocent et qu'Albert Woodfox est innocent également», a-t-il dit mardi, sur le blogue des «Trois d'Angola», après avoir été transféré dans un hôpital pénitentiaire à Saint-Gabriel en Louisiane.

Deux médecins ont estimé insuffisants les soins qu'il recevait en prison, plaidant, tout comme Amnistie Internationale, pour sa libération. «Son pronostic vital est défavorable», a écrit le Dr Brie Williams qui déplore «la détérioration de sa santé». Sa libération est «littéralement une question de vie ou de mort», a renchéri le cancérologue Dwight McKee.

«Il est physiquement très diminué, mais reste très fort mentalement», a témoigné Me Williams, qui l'a rencontré mercredi. «Il n'a jamais perdu confiance et il espère toujours qu'il sera entendu avant de mourir».

«Je pense que mon dossier a été perdu ou oublié et je vous implore de faire tout votre possible pour me rendre justice», a exhorté Wallace, dans une lettre au juge.

Sollicités par l'AFP, les bureaux du gouverneur et du ministre de la Justice de Louisiane se sont refusés à tout commentaire.