Américains et Russes ont fait valoir leurs intérêts communs sur la scène internationale, tels le désarmement ou la non-prolifération, plutôt que leurs contentieux et leurs relations glaciales après l'affaire Snowden et le sommet annulé entre Barack Obama et Vladimir Poutine.

Le département d'État à Washington est le théâtre vendredi d'un face à face «2+2» entre les secrétaires d'État et à la Défense John Kerry et Chuck Hagel et leurs homologues russes Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou.

D'entrée, M. Kerry a mis en avant une «relation très importante entre les États-Unis et la Russie, marquée à la fois par des intérêts partagés et parfois par des intérêts conflictuels».

Joueur de hockey, comme M. Lavrov avec qui il a des rapports amicaux, M. Kerry a fait une analogie avec ce sport: «comme en diplomatie, il y a parfois des collisions».

«Ce n'est pas un secret: nous avons été confrontés à un certain nombre de défis et pas seulement sur l'affaire (Edward) Snowden», a poursuivi le chef de la diplomatie américaine, en référence à l'ancien consultant informatique américain qui a révélé l'ampleur de la surveillance des communications par les États-Unis et à qui Moscou a accordé l'asile temporaire.

M. Lavrov était dans le même état d'esprit, ne cachant pas «bien sûr des différences» entre les deux puissances, mais qui ont aussi une «responsabilité partagée» notamment pour «éviter la prolifération d'armes de destruction massive», pour «la défense antimissile» ou la Syrie.

Les relations entre les anciens ennemis de la Guerre froide sont tombées à un niveau rarement vu depuis des années, depuis que le président Obama a annulé mercredi son sommet avec le président Poutine. L'événement était prévu début septembre à Moscou, avant le sommet du G20 les 5 et 6 septembre à Saint-Pétersbourg où M. Obama devrait toutefois se rendre.

Le sommet de Moscou ne sera pas remplacé par une rencontre en marge du G20, a précisé le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov, assurant toutefois que la Russie ne prendrait pas de mesures de représailles contre les États-Unis, malgré ce camouflet sans précédent depuis les années 1960.

La Maison-Blanche avait invoqué «le manque de progrès récents» sur la défense antimissile, la non-prolifération nucléaire, le commerce et les droits de l'homme.

Les Américains se disent aussi «déçus» par les Russes dans la saga Snowden.

Celle-ci s'ajoute à tous les différends et contentieux depuis le retour au Kremlin en mai 2012 du président Poutine. Moscou a interdit aux Américains d'adopter des orphelins russes, a légiféré sur les ONG financées par des pays étrangers et a réprimé la «propagande homosexuelle» devant mineurs.

Moscou et Washington ont aussi des positions antagoniques sur la Syrie, même s'ils s'efforcent d'organiser la conférence de paix Genève 2. «Sergueï et moi ne sommes pas toujours d'accord sur la Syrie», a rappelé M. Kerry, mais «nos deux pays sont d'accord pour (...) une solution politique négociée (...) via Genève 2».

Sous le mandat du président russe Dmitri Medvedev (2008-2012), M. Obama avait proposé un «Reset», la relance des relations bilatérales, laquelle est «définitivement enterrée»  selon le président de la commission des Affaires étrangères de la Douma russe, Alexeï Pouchkov.

D'ailleurs, le président Obama avait reproché mardi à la Russie de revenir à «une mentalité de la Guerre froide».

Pour autant, aucun n'a évoqué une rupture.

De fait, aux yeux de Steven Pifer, de la Brookings Institution,»sur les grands dossiers - la non-prolifération, le commerce bilatéral (...) l'Iran, la Corée du Nord - les intérêts des deux pays sont alignés (...) et ils devraient pouvoir coopérer sur beaucoup de domaines».

Celeste Wallander, professeur à l'American University, pense aussi que «le fait que les Russes n'ont pas annulé leur voyage (à Washington) montre qu'ils ne désirent pas non plus casser la relation».