La grève de la faim de détenus de Guantanamo donne de nouveaux arguments aux partisans de la clôture de la prison américaine à Cuba qui ont dénoncé mercredi à Washington le caractère «inhumain et dégradant» des conditions de détention.

Lors d'une audition devant une sous-commission judiciaire du Sénat, l'influente élue démocrate Dianne Feinstein a ainsi estimé que le fait de nourrir de force une partie des détenus en grève de la faim «viole les normes internationales et l'éthique médicale».

Le mouvement a été entamé il y a près de cinq mois. Il est observé par 80 détenus sur 166, 46 d'entre eux étant actuellement inscrits sur une liste de personnes susceptibles d'être nourris de force, c'est-à-dire de se voir insérer par le nez un tube jusque dans l'estomac pour y faire passer des nutriments.

Cette grève constitue «une forme de protestation, pas une tentative de suicide», a observé Mme Feinstein, contrant l'argument avancé par l'armée, hantée par la perspective d'un Bobby Sands, cet activiste de l'IRA mort dans une prison britannique en 1981.

Un ancien médecin militaire qui a eu à traiter les détenus de Guantanamo, le général Stephen Xenakis, a lui aussi estimé que le fait de nourrir de force était «un affront à la dignité humaine».

«La simple vérité est que nourrir de force viole l'éthique médicale et le droit international et rien au nom de la défense de notre pays ne peut justifier ce traitement cruel, inhumain et dégradant à l'encontre d'un homme ou d'une femme», a asséné le médecin.

«Blessure morale ouverte»

Le mouvement de grève de la faim a débuté en février après que des gardiens eurent examiné des corans d'une manière jugée blasphématoire par les prisonniers. Mais c'est surtout leur détention illimitée depuis 11 ans que dénoncent la plupart des protestataires.

Quelques heures avant cette nouvelle audition au Congrès sur l'opportunité ou non de fermer la prison, des dizaines de représentants des religions musulmane, catholique, protestante et juive ont de leur côté observé un jeune de 24 heures pour demander d'en finir avec Guantanamo.

«La torture et la détention illimitée pratiquée à Guantanamo sont devenues une blessure morale ouverte», a lancé le directeur de coalition Campagne religieuse nationale contre la Torture (NRCAT), Richard Killmer, qui regroupe 320 organisations participantes.

Virginia Farris, représentant les évêques catholiques, a estimé que «Guantanamo est devenue le symbole de la détention illimitée sans procès. Fermer cette prison aiderait à restaurer la réputation des États-Unis dans le monde en matière de défense des droits de l'homme».

Ces arguments ont été repris lors de l'audition par certains sénateurs appartenant au parti du président Barack Obama, qui a renouvelé fin mai sa promesse de fermer Guantanamo.

«La réalité est que chaque jour qu'elle reste ouverte, la prison de Guantanamo affaiblit nos alliances, inspire nos ennemis et remet en cause notre engagement pour les droits de l'homme», a jugé Richard Durbin, président de la sous-commission.

D'autant que son coût est faramineux: 454 millions de dollars par an, soit 2,7 millions par détenu à Guantanamo, contre 78 000 dollars à la prison fédérale de haute sécurité de Florence, dans le Colorado, jugée la plus sûre du pays.

Mais, le Congrès, où les républicains dominent la chambre des Représentants, a interdit au président de transférer les détenus sur le territoire américain.

Sur les 166 détenus de Guantanamo, 86 -dont 56 Yéménites- ont été désignés comme transférables dans leur pays d'origine par les administrations Bush et Obama.

Quelque 46 autres sont en détention illimitée, sans inculpation ni procès faute de preuves, mais jugés trop dangereux pour être libérés.

A l'instar des autres élus de son bord, le sénateur Ted Cruz a résumé la position de longue date des républicains: «jusqu'à a ce qu'on me présente une stratégie bonne et viable sur ce qu'il faut faire de terroristes qui travailleront jour et nuit à tuer des Américains innocents, j'ai du mal à penser qu'il serait responsable de fermer la prison et de renvoyer ces individus chez eux».