L'aile volante approche à vitesse réduite et accroche le troisième brin d'arrêt, signe d'un appontage parfait: un drone s'est posé mercredi pour la première fois sur un porte-avions, réalisant de façon autonome une des manoeuvres les plus complexes de l'aviation.

Cent deux ans après le premier appontage d'un biplan sur un croiseur équipé d'une plate-forme, l'aéronautique navale entre ainsi dans une nouvelle ère, où des avions automatisés s'intégreront dans les opérations aériennes navales avant de venir se poser sur ces géants ballottés par les flots.

«Aujourd'hui, vous avez vu l'avenir», s'est enthousiasmé le secrétaire à la Navy, Ray Mabus, venu sur le George HW Bush pour assister avec d'autres hauts gradés de la Marine à cette première.

Encadré de deux chasseurs F-18 lors de son vol depuis la base aéronavale de Patuxent River, dans le Maryland (est), le X-47B, surnommé le «loup de mer», a rallié le porte-avions croisant au large des côtes de Virginie (est).

Parfaitement aligné avec l'axe du navire, il a effectué sa descente de façon autonome, réajustant constamment sa position grâce à des GPS intégrés dans l'appareil et dans le navire, qui sont en communication constante.

Car à la différence d'un Predator ou d'un Reaper pilotés à distance, le X-47B franchit un cap dans l'automatisation: les opérateurs n'ont qu'à configurer le plan de vol et le laisser se débrouiller, même s'ils gardent toujours un oeil sur la façon dont l'appareil évolue et peuvent changer ses «ordres».

Dernière précaution avant l'atterrissage, l'officier d'appontage, l'un des rares hommes sur le pont, vérifie la procédure d'abandon en activant sa commande numérique pour faire reprendre de l'altitude à l'appareil.

«Chiens jaunes»

A 13H40 (13h30 au Québec), l'appareil furtif à la forme d'aile de chauve-souris et dépourvu d'empennage arrière se pose enfin,  sans encombre.

Pour les responsables du programme, c'est sans surprise. Avec toutes les simulations informatiques, «on savait qu'il toucherait le point x centimètres après le deuxième brin, que la crosse d'appontage rebondirait tant de mètres avant d'accrocher le troisième brin. D'après ce que j'ai vu, c'est exactement ce qui s'est passé», explique le contre-amiral Mat Winter, patron des programmes de drones de la Marine américaine.

Une fois sur le pont, les «chiens jaunes», ces petites mains vêtues d'un gilet rouge ou vert chargées de s'occuper des avions sur le porte-avions, s'approchent de la bête, l'arriment, l'examinent.

Avec ses 12 mètres de longueur et 19 mètres d'envergure, l'appareil construit par la firme Northrop Grumann dispose de toute la superficie du pont d'envol pour évoluer.

Puis un opérateur muni d'une commande fixée sur son bras gauche guide le drone vers l'avant du navire pour qu'il soit catapulté, une opération qui avait été réalisée pour la première fois en mai.

Propulsé dans les airs, le X-47B décrit une vaste boucle autour du porte-avions et se pose à nouveau sans encombre.

Avec cette étape cruciale , l'une des dernières de ce programme de démonstrateur, la Navy va maintenant entrer dans le vif du sujet.

«Les technologies, les algorithmes, les procédures opérationnelles, les systèmes d'intégration dans le porte-avions, tout ce savoir va être utilisé pour le programme UCLASS», explique le contre-amiral Winter.

Ce programme vise à doter la Navy d'un drone opérationnel d'ici 2019, qui sera destiné à opérer depuis un porte-avions pour des missions de surveillance, mais aussi de frappes aériennes.

Un premier appel d'offres doit être lancé d'ici la fin de l'année.

Le futur drone UCLASS doit permettre de libérer les avions «traditionnels», comme les F-18 Hornet (chasseur-bombardier) ou le Growler (guerre électronique) afin qu'ils se concentrent sur leur mission première.

Les deux exemplaires du X-47B doivent quant à eux être remisés dans quelques mois au musée des bases aéronavales de Patuxent River et de Pensacola (Floride).