Beaucoup de bruit pour rien. À en croire les défenseurs de l'administration Obama, le titre de la comédie de Shakespeare s'applique à la décision annoncée mardi dernier de reporter d'un an l'application d'un volet controversé de la réforme de la santé promulguée en 2010.

Après tout, ont-ils fait valoir, 96% des entreprises américaines ne sont pas concernées par l'obligation faite aux employeurs de plus de 50 personnes de fournir une assurance maladie à leurs salariés sous peine d'amendes commençant à 2000$ par an et par salarié. À la suite de la décision inattendue de l'administration Obama, cette obligation n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2015.

Qui plus est, au moins 94% des entreprises de plus de 50 employés fournissent déjà à leurs salariés une couverture médicale, ont rappelé les défenseurs de l'administration en citant une donnée de la Kaiser Foundation Family. C'est donc dire que le nombre d'employeurs visés par la réforme ne dépasse pas 12 000 et celui des employés, 1,5 million.

«L'explication de l'administration est qu'elle est à l'écoute des inquiétudes du monde des affaires concernant l'échéancier de la mise en place de leur couverture et qu'elle tente d'être flexible. Mais ce que les gens veulent vraiment savoir, c'est si ce report fera une différence dans la couverture médicale et les progrès de la réforme. La réponse rapide est non», a écrit Ezekiel Emanuel, ex-membre de l'administration Obama, sur le site internet du New York Times la semaine dernière.

La portée de la décision

Cette opinion rassurante tranche avec la réaction des médias et des républicains. Pour les premiers, l'annonce de l'administration Obama représente une reculade importante, car le volet reporté représente une disposition «majeure» ou «clé» de la réforme de la santé. Pour les seconds, la nouvelle ne fait que confirmer ce qu'ils disent depuis le début de leur combat contre l'«Obamacare»: cette loi est inapplicable et doit être abrogée.

Les médias et les républicains ont peut-être exagéré la portée de la décision de l'administration démocrate. Mais il est indéniable que l'accouchement de la réforme de la santé, pièce maîtresse du premier mandat de Barack Obama, se fait dans la douleur. Et il ne fait pas plus de doute que cette loi continue à être un handicap politique pour les démocrates.

Les républicains n'ont d'ailleurs pas manqué d'accuser l'administration Obama d'opportunisme politique après l'annonce de sa décision. Ils comptaient eux-mêmes exploiter la grogne suscitée par la réforme de la santé chez les petits entrepreneurs durant les élections de mi-mandat de 2014. Ils préparaient sans doute des pubs mettant en vedette des employeurs mis à l'amende par le fisc américain ou préférant ne pas embaucher un 50e employé plutôt que d'avoir à se soumettre à l'obligation de fournir une couverture médicale à tous leurs salariés.

Le report du volet visant les employeurs ne devrait cependant pas empêcher les républicains de continuer à mener leur campagne pour l'abrogation de l'Obamacare. Quant à l'administration Obama, elle a peut-être privé les républicains d'un thème électoral porteur, mais elle fait face à d'autres obstacles importants dans la mise en place de sa réforme.

Complications en vue

Ainsi, la date de l'entrée en vigueur du «mandat individuel», la disposition la plus controversée de la réforme de la santé, n'a pas changé. À compter du 1er janvier 2014, chaque citoyen américain sera obligé de contracter une assurance maladie sous peine d'amende. Or, le report du volet visant les employeurs devrait compliquer l'application de cette disposition. Car les déclarations des employeurs font partie des données dont le gouvernement aura besoin pour déterminer le droit des citoyens non assurés de recevoir l'allocation fédérale qui devrait les aider à souscrire une assurance maladie.

L'incertitude continue également à planer sur les marchés («exchanges») qui doivent être mis en place à partir d'octobre prochain dans les 50 États (par les États ou le gouvernement fédéral) pour permettre aux non-assurés de comparer les prix des polices offertes et d'en acheter une à prix abordable.

Le GAO (Government Accountability Office) a exprimé des doutes récemment sur la capacité du gouvernement fédéral à respecter son propre échéancier concernant le lancement des marchés qu'il doit mettre sur pied dans 34 des 50 États américains. Plusieurs États qui ont choisi de mettre en place leurs propres marchés accusent également des retards dans leurs préparatifs.

Il ne faudrait donc pas s'étonner si d'autres reports sont annoncés dans les prochains mois dans l'application des dispositions de la réforme de la santé.