Les militants qui luttent aux États-Unis contre les efforts du camp républicain pour restreindre l'accès à l'avortement ont une nouvelle héroïne: Wendy Davis.

Cette sénatrice démocrate de 50 ans a acquis mardi une notoriété instantanée sur la scène nationale en freinant, par un discours-fleuve de près de 11 heures, l'adoption d'un projet de loi qui aurait précipité la fermeture de la quasi-totalité des cliniques offrant ce service au Texas.

«Je ne suis pas certain qu'il y a des mots appropriés pour rendre compte de ce qu'elle a fait. C'était courageux, brave, physiquement éprouvant, émotivement éprouvant aussi. Elle a pleuré à un certain moment», relate Fatimah Gifford, qui était présente dans l'assistance.

«C'est bon de savoir que nous avons des législateurs qui croient aux droits enchâssés dans la Constitution et qui sont prêts à se battre pour les défendre», ajoute la porte-parole de Whole Woman's Health, une organisation chapeautant une demi-douzaine de cliniques pratiquant l'avortement au Texas.

Le gouverneur de l'État, Rick Perry, avait ouvert les hostilités au début du mois en convoquant une session extraordinaire pour voter sur le projet de loi en question.

«Nous avons l'obligation de protéger les enfants qui ne sont pas nés et d'exiger de ceux qui multiplient les avortements des standards qui réduisent la mortalité, la maladie et la douleur occasionnées», a-t-il plaidé.

Le texte prévoyait l'interdiction de tout avortement au-delà de 20 semaines de grossesse ainsi que l'introduction de sévères exigences sanitaires et matérielles incompatibles avec la majorité des cliniques existantes.

L'élu, qui avait soulevé un tollé il y a quelques années en faisant voter une loi obligeant les femmes à subir une échographie avant tout avortement, n'a pas caché que son but ultime était de faire de l'interruption volontaire de grossesse «une chose du passé».

Les démocrates texans ont confié à Mme Davis la tâche de faire blocus en utilisant une technique d'obstruction parlementaire - le filibuster - qui l'obligeait à parler pendant 13 heures, jusqu'à minuit, au-delà de l'heure maximale autorisée pour le vote.

La politicienne, qui arborait des chaussures de course roses pour l'occasion, devait rester debout et ne pas s'écarter du sujet à l'étude sous peine de voir son intervention écourtée.

Elle a finalement tenu près de 11 heures avant d'être interrompue pour avoir erré trois fois, au dire de la majorité républicaine. Le camp démocrate a ensuite multiplié les demandes pour gagner du temps jusqu'à ce que le vote soit tenu, quelques minutes après minuit, sous les cris d'une foule déchaînée.

Le lieutenant-gouverneur du Texas, David Dewhurst, a d'abord affirmé que le projet de loi avait été adopté, avant de faire marche arrière quelques heures plus tard en blâmant «la meute désordonnée» dans l'assistance pour les ratés.

Mme Davis, qui disait vouloir redonner la voix à des milliers de Texans lésés par «la partisanerie aveugle et les ambitions politiques personnelles» du gouverneur, s'est félicitée de la «mort» du projet de loi.

L'élue n'en était pas à son premier exploit du genre, puisqu'elle avait réussi à bloquer temporairement un autre projet de loi budgétaire avec une tactique similaire en 2011.

Une autre illustration de la capacité de résilience de la politicienne, qui était déjà divorcée et mère d'un enfant à 19 ans: elle s'est extraite de son milieu modeste pour poursuivre des études en droit à Harvard avant de se faire une niche dans le monde politique.

Même si l'heure était aux réjouissances hier pour ses admirateurs, la victoire pourrait n'être qu'éphémère, puisque le lieutenant-gouverneur a prévenu que les deux camps se retrouveraient «bientôt».

«Honnêtement, on ne sait pas vraiment s'ils vont revenir rapidement là-dessus, puisque ce n'est pas clair s'ils le peuvent. Mais je ne serais pas surprise qu'ils tentent le coup», conclut Mme Gifford.

L'avortement en bref

> 1,21 million d'avortements ont été pratiqués aux États-Unis en 2008, contre 1,31 million en 2000

> Neuf avortements sur dix surviennent dans les douze premières semaines de grossesse

> En 2012, 19 États américains ont adopté des mesures restreignant l'accès à l'avortement

Source: Guttmacher Institute