Les États-Unis et les talibans vont renouer le dialogue dans les prochains jours, un évènement historique après 12 ans de conflit en Afghanistan dont l'annonce mardi a toutefois été ternie par la mort de quatre soldats américains dans une attaque sur la base de Bagram.

À peine quelques heures après l'ouverture au Qatar d'un bureau des talibans pour faciliter des négociations de paix avec Kaboul et l'annonce d'une prochaine rencontre entre talibans et représentants américains, un responsable américain de la défense a annoncé la mort de quatre soldats dans des tirs de roquettes ou de mortiers sur la base aérienne de Bagram.

Les circonstances de l'attaque n'ont pas été précisées, mais elle illustre le long chemin restant à parcourir sur le chemin de la paix, dans un pays où les violences des talibans se poursuivent, et alors que le gouvernement afghan a officiellement repris mardi le contrôle de la sécurité à la place de la force de l'OTAN (Isaf). Celle-ci retirera la grande majorité de ses 100 000 soldats d'ici la fin 2014.

Les positions de Kaboul et de ses alliés occidentaux, d'une part, et celles des talibans, d'autre part, restent en grande partie incompatibles, notamment sur le futur régime afghan et sur la présence militaire américaine après 2014.

«Les États-Unis auront une rencontre officielle, la première depuis des années, avec les talibans dans quelques jours à Doha», a annoncé un responsable américain à Washington, admettant que cette réunion marquerait le «début d'un parcours très difficile».

Une «bonne nouvelle»

L'envoyé spécial des États-Unis pour l'Afghanistan et le Pakistan, James Dobbins, se rend cette semaine dans ces deux pays et s'arrêtera d'abord en Turquie et au Qatar, a annoncé le département d'État, sans préciser si, et éventuellement où, le diplomate rencontrerait des talibans.

En tout cas, à Doha, des représentants du Qatar et une dizaine de talibans afghans ont ouvert «le bureau politique de l'émirat islamique d'Afghanistan» - le commandement taliban.

Le secrétaire d'État John Kerry a salué cette «bonne nouvelle», également applaudie par le Pakistan, qui s'est aussi félicité du «début de pourparlers de paix directs entre les États-Unis et les talibans».

Les talibans avaient eu des contacts début 2012 avec les Américains, mais ils ont toujours refusé de participer à des négociations de paix tant qu'il resterait des soldats étrangers «envahisseurs» en Afghanistan.

Mais en janvier 2012, ils s'étaient dits prêts à avoir un bureau politique hors du pays pour faciliter des pourparlers de paix.

Ce bureau est destiné à favoriser «le dialogue et l'entente avec les pays du monde», a déclaré à la presse un porte-parole des talibans à Doha, Mohamed Naïm.

Dans un communiqué, les insurgés islamistes, en guerre depuis fin 2001 contre Kaboul et l'OTAN, affirment rechercher «un règlement pacifique de nature à mettre fin à l'occupation de l'Afghanistan et à établir un régime islamique indépendant».

Volontaristes, ils s'engagent à «n'autoriser personne à utiliser le territoire afghan pour menacer la sécurité des autres pays», un signe adressé à Washington. Ils n'ont toutefois pas mentionné explicitement Al-Qaïda, leur allié historique.

Les Américains ont en effet toujours promis de ne pas quitter l'Afghanistan tant qu'ils représenteraient une menace, comme lors des attentats du 11 septembre 2001 échafaudés par Al-Qaïda, alors hébergé par le régime taliban afghan.

«De nombreux obstacles»

«Nous allons commencer prochainement le dialogue avec la partie américaine», a confirmé à Doha M. Naïm. La question des dirigeants talibans détenus à Guantanamo «sera parmi les principaux dossiers à discuter en vue d'un règlement», a-t-il précisé.

Le président afghan Hamid Karzaï a également annoncé qu'il enverrait au Qatar des émissaires du Haut Conseil pour la paix (HCP), une instance qu'il a créée pour tenter de négocier avec les insurgés.

Depuis le sommet du G8 en Irlande du Nord, les présidents américain et français, Barack Obama et François Hollande, ont dit appuyer d'éventuels pourparlers entre Afghans. «C'est un pas important vers la réconciliation, mais un tout premier pas», a commenté M. Obama, prévoyant «encore de nombreux obstacles sur ce chemin».

M. Naïm est d'ailleurs resté dubitatif sur l'amorce d'un dialogue avec le gouvernement Karzaï: «Rien (n'est prévu) pour le moment, mais ce sera selon les circonstances».

M. Karzaï a par ailleurs participé mardi à une cérémonie à Kaboul qui a marqué la reprise en main officielle de la sécurité du pays par le gouvernement afghan et ses quelque 350 000 membres des forces de sécurité, à qui l'OTAN a cédé mardi le contrôle des derniers districts qu'elle contrôlait encore.

L'Isaf n'aura en théorie plus qu'un rôle de soutien et de formation des forces afghanes.

Nombre d'observateurs doutent toutefois que les forces locales puissent assurer seules la sécurité, faisant craindre une nouvelle guerre civile après le retrait occidental.

Juste avant la cérémonie mardi, une bombe a explosé à Kaboul près de la maison de Mohammed Mohaqiq, un influent allié du président Karzaï, tuant trois civils et en blessant 24 autres.