«Héros» ou «traître», Edward Snowden était introuvable mardi, mais les programmes secrets de surveillance américains qu'il a révélés la semaine dernière suscitaient de plus en plus d'appels à la transparence, émis aussi par Google, mis en cause dans cette affaire.

L'ex-consultant de l'Agence de sécurité nationale (NSA) se trouverait selon toute vraisemblance à Hong Kong, où le jeune homme de 29 ans s'était rendu dès le 20 mai, selon le quotidien britannique The Guardian, qui a publié dimanche un long entretien avec lui.

Lundi, des journalistes avaient pu identifier l'hôtel à Hong Kong dans lequel avait été réalisé l'entretien de Snowden avec le Guardian, mais l'homme avait changé d'adresse dans la journée.

Le géant américain de l'internet Google, mis en cause dans le programme Prism qui permet de surveiller des données internet, a demandé au gouvernement la permission de publier des informations sur les demandes de données sur ses utilisateurs, qui lui sont faites au nom de la sécurité nationale, disant n'avoir «rien à cacher».

Google publie régulièrement un rapport dit «de transparence» sur les demandes du gouvernement, mais ce document ne répertorie pas celles relevant de la loi Fisa (Foreign Intelligence Surveillance Act), qui permet la surveillance d'étrangers et serait la base du programme Prism.

Le programme Prism permet aux services de renseignement de surveiller en temps réel les données circulant sur les serveurs des gRands groupes informatiques comme Google, Facebook ou Microsoft.

Le PDG Facebook Mark Zuckerberg a assuré ses actionnaires qu'aucun service de renseignement n'avait un «accès direct» au réseau et que son groupe passait beaucoup de temps à empêcher les «mauvais pirates» informatiques à s'introduire dans ses ordinateurs.

«Secrètement traqué»

Les services de renseignement eux-mêmes commençaient à estimer l'impact de ces révélations. «Nous examinons quels dommages ces révélations ont pu provoquer sur les programmes des services de renseignements», a confié à l'AFP un responsable américain du secteur, sous couvert d'anonymat.

La puissante organisation de défense des libertés individuelles (ACLU) a pour sa part déposé une plainte contre un autre programme massif de collecte de données téléphoniques, qu'elle juge anticonstitutionnel.

Pour le directeur général de l'association Human Rights Watch, Kenneth Roth, cette pratique américaine pourrait être vue par d'autres pays «comme un feu vert à leurs propres programmes secrets de surveillance» et entame la crédibilité des États-Unis en matière de liberté sur internet.

Plus de 80 fondations et organisations non gouvernementales américaines ont protesté contre ces programmes de surveillance, en lançant une campagne sur un nouveau site Stopwatching.us («cessez de nous surveiller»).

«Nous ne voulons pas d'un internet où tout ce que nous faisons est secrètement traqué par le gouvernement», a affirmé Alex Fowler, un des responsables de Mozilla, le créateur du navigateur Firefox.

Une coalition inhabituelle de parlementaires américains de la droite de la droite (Tea Party) et de la gauche du parti démocrate, qui s'érigent en protecteurs de la vie privée des Américains, a elle aussi appelé l'administration Obama à plus de transparence sur ces programmes.

«Les Américains méritent de savoir quelles informations sur leurs communications privées le gouvernement pense avoir le droit de saisir», a déclaré le sénateur démocrate Jeff Merkley, qui avec sept collègues républicains et démocrates a déposé mardi une proposition de loi.

Le texte obligerait le ministre de la Justice à rendre publiques les décisions rendues par la cour secrète --liée à la loi Fisa-- chargée d'approuver régulièrement le programme de surveillance d'internet, créé en 2007.

«Trahison»

La Maison-Blanche s'est contentée mardi de défendre son bilan en matière de protection des «lanceurs d'alertes» («whistleblowers»), ces personnes liées au gouvernement qui dénoncent des faits d'État à leurs yeux répréhensibles, au nom du bien commun.

Mais de nombreuses voix se sont aussi élevées pour réclamer sa remise aux autorités américaines au plus vite, pendant que la Russie, elle, se déclarait prête à examiner une demande d'asile de l'Américain.

La sénatrice démocrate Dianne Feinstein, présidente de la commission du renseignement et poids lourd du Congrès, a réclamé son extradition aussi vite que possible, évoquant «un acte de trahison».

Pékin, qui dispose d'un droit de regard et de veto sur les procédures d'extradition à Hong Kong, pourrait in fine décider du sort de M. Snowden.

A Bruxelles, la Commission européenne a annoncé qu'elle allait demander «un engagement clair» aux autorités américaines pour la protection des données des citoyens européens.

La compagne de Snowden, sur le blog qu'elle tenait régulièrement, adepte notamment de «pole dancing», avait quant à elle publié lundi un message d'adieu grandiloquent à l'adresse de ses proches.