Barack Obama a défendu vendredi la légalité et la nécessité des collectes secrètes de données par le renseignement, tout en cherchant à rassurer les Américains sur leur ampleur et leur nature.

Le président américain réagissait pour la première fois aux révélations successives sur deux programmes secrets de l'Agence nationale de sécurité (NSA): l'un concerne la récolte depuis 2006 des données d'appels téléphoniques aux États-Unis par l'opérateur Verizon, et vraisemblablement d'autres; l'autre, nommé PRISM, vise à intercepter les communications d'internautes étrangers se situant hors des États-Unis sur neuf grands réseaux sociaux comme Facebook.

«Personne n'écoute vos appels téléphoniques», a-t-il assuré lors d'une conférence de presse en Californie. «La communauté du renseignement examine les numéros de téléphone et la durée des appels. Ils ne regardent pas le nom des gens. Et ils n'examinent pas le contenu».

Sur le système PRISM d'espionnage d'internet et des courriels, Barack Obama a martelé que «cela ne s'appliquait pas aux citoyens américains. Cela ne s'applique pas aux personnes qui vivent aux États-Unis».

Il a souligné que des «compromis» entre la protection de la vie privée et les exigences de la lutte antiterroriste étaient nécessaires: «En théorie, on peut se plaindre de Big Brother et de la façon dont ce programme pourrait potentiellement dégénérer, mais quand on regarde vraiment les détails, je pense que nous avons trouvé le bon équilibre».

«L'administration a désormais perdu toute crédibilité sur ce sujet», condamnait avant l'intervention présidentielle le New York Times dans un éditorial.

Entre 2007 et 2011, les sites de Microsoft, Google, Yahoo!, Facebook, YouTube, Skype, AOL, Apple et PalTalk ont commencé à être intégrés dans un programme secret de la NSA pour que ses analystes puissent consulter directement et en temps réel les courriels envoyés sur Hotmail ou Gmail, ainsi que toute conversation, photos, vidéos, et chats internet sur ces sites. Le site Twitter ne fait pas partie du programme.

Google et Facebook inquiets

L'existence de PRISM a été révélée simultanément jeudi par le Washington Post et le Guardian, mais le patron du renseignement américain, James Clapper, a relevé de «nombreuses inexactitudes» dans leurs articles.

De fait, des questions demeuraient sur le degré d'implication, voire de connaissance, des neuf sociétés internet. Elles ont catégoriquement démenti donner un «accès direct» à la NSA.

«Nous n'avons jamais entendu parler de PRISM», a affirmé le porte-parole d'Apple, à l'instar de Google et de Facebook.

«Nous ne participons à aucun programme qui donnerait au gouvernement américain ou à quelque autre gouvernement un accès direct à nos serveurs», et il n'y a pas de «porte de derrière», ont écrit le directeur général de Google, Larry Page, et son responsable pour les questions légales, David Drummond, dans un message sur le blog du groupe.

Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, qui dit n'avoir jamais reçu de demande officielle pour «des métadonnées en gros», a appelé pour sa part les gouvernements à être «beaucoup plus transparents sur tous les programmes visant à assurer la sécurité du public». «C'est le seul moyen de protéger les libertés civiles et de créer la société sûre et libre que nous désirons», a-t-il écrit sur sa page Facebook.

Vendredi, The Guardian faisait par ailleurs état de l'existence d'une directive secrète signée par Barack Obama, appelant les responsables du renseignement et de la sécurité nationale à dresser une liste de cibles à l'étranger à de potentielles attaques informatiques pour protéger les intérêts américains.

Selon le quotidien, le président a autorisé son secrétariat à la Défense à prendre des «cyber-mesures d'urgence», à la fois «défensives» et «offensives», pour «réduire une menace imminente».

Depuis que le scandale a éclaté, de nombreux parlementaires des deux partis ont soutenu l'exécutif, affirmant qu'un attentat a été déjoué grâce aux saisies des données téléphoniques. Comme l'a souligné M. Obama vendredi, les élus du Congrès ont renouvelé à de larges majorités la vaste loi antiterroriste «Patriot Act», votée après le 11-Septembre.

Mais certains estiment que le débat sur l'équilibre entre protection de la vie privée et raison d'État méritait d'être relancé.

«Il y a des façons de maintenir la sécurité du pays, d'accéder aux données de ceux que nous soupçonnons, sans que les données soient accumulées de cette manière», note le républicain Bob Corker.