Barack Obama est déterminé à utiliser tous les outils nécessaires dans la lutte antiterroriste, a déclaré jeudi un porte-parole, interrogé sur le fait que l'opérateur téléphonique Verizon livre aux autorités les données de ses abonnés quotidiennement.

Le président américain se félicite par ailleurs du débat public qu'a relancé cette polémique sur le compromis à trouver entre libertés civiles et lutte pour la sécurité, a poursuivi Josh Earnest à bord de l'avion présidentiel Air Force One.

L'administration de Barack Obama a défendu jeudi la saisie systématique par les services de renseignement de centaines de millions de données téléphoniques d'Américains, un programme hérité de l'ère Bush dans le cadre de la lutte antiterroriste.

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Le quotidien britannique The Guardian a révélé mercredi soir l'existence d'une ordonnance de justice secrète forçant l'opérateur américain Verizon à livrer quotidiennement à l'Agence nationale de sécurité (NSA) la totalité des données téléphoniques de ses abonnés, d'avril à juillet.

La collecte par la NSA, dont les serveurs interceptent déjà des milliards de communications téléphoniques et électroniques dans le monde, est un «outil crucial» pour lutter contre le terrorisme, a commenté jeudi matin un haut responsable américain, qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat.

Sans confirmer explicitement les faits, mais sans non plus les nier, ce dernier a insisté sur le fait que l'ordonnance «ne permettait pas au gouvernement d'écouter les conversations téléphoniques de quelqu'un» et ne portait pas sur «le contenu des communications ou le nom des abonnés».

Il s'agit de «métadonnées, comme un numéro de téléphone ou la durée d'un appel», a souligné ce responsable. Verizon dispose de 121 millions d'abonnés (fixe et mobile).

Mais la révélation a concrétisé les pires craintes des défenseurs des libertés individuelles, qui tentaient depuis des années de faire la lumière sur l'utilisation par le gouvernement d'une clause du «Patriot Act», la loi antiterroriste votée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

«Cela va au-delà d'Orwell», a dénoncé Jameel Jaffer, de la grande ONG American Civil Liberty Union (ACLU), en référence au livre d'anticipation de George Orwell, 1984. ACLU est allée en justice pour forcer le gouvernement à s'expliquer sur l'utilisation du Patriot Act.

«C'est une nouvelle preuve de l'étendue avec laquelle les droits démocratiques de base sont remisés au second plan, en secret, au profit des agences de renseignement qui n'ont de comptes à rendre à personne», a-t-il indiqué dans un communiqué.

Obama, comme Bush?

En 2006, le quotidien américain USA Today avait déclenché un choc aux États-Unis en révélant que la NSA collectait secrètement les données de communications d'Américains auprès des grands opérateurs du pays.

Le programme ne concernait alors que les communications entre un interlocuteur situé aux États-Unis et un autre à l'étranger. L'administration de George W. Bush avait ensuite modifié le programme pour que les demandes de saisies passent par un juge d'une cour secrète, dédiée aux écoutes.

Le Congrès a depuis 2001 prolongé le Patriot Act, en 2011, et l'exécutif semble avoir tenu au courant certaines commissions parlementaires de son utilisation de la loi pour réclamer des données en vrac, et non ciblées sur des suspects de terrorisme.

Deux sénateurs membres de la commission du Renseignement avaient toutefois écrit au ministre de la Justice, Eric Holder, pour conjurer l'administration de rendre publics les documents juridiques légitimant le programme de surveillance, sans pouvoir eux-mêmes en révéler les détails, classés secrets.

«La plupart des Américains seraient choqués d'apprendre les détails de la façon dont ces avis juridiques secrets ont interprété la section 215 du Patriot Act», écrivaient Ron Wyden et Mark Udall en mars 2012.

«Selon nous, il y a un écart important entre ce que la plupart des Américains pensent que la loi autorise, et ce que l'État fédéral croit secrètement avoir le droit de faire», affirmaient-ils.

Leurs avertissements, formulés dès 2011, semblent confirmer que la livraison de données téléphoniques ait été réalisée par d'autres opérateurs que Verizon, et sur plusieurs années et non les trois mois couverts par l'ordonnance découverte par The Guardian.