La Cour suprême des États-Unis a donné raison lundi au géant américain de l'agrochimie Monsanto, dans un litige qui l'opposait à un petit fermier de l'Indiana, accusé d'avoir enfreint ses brevets dans l'utilisation de graines de soja transgéniques.

La plus haute juridiction du pays n'a pas délibéré longtemps sur ce litige qui maintient donc le statu quo non seulement sur la propriété intellectuelle dans l'agriculture, mais aussi dans d'autres domaines comme la médecine, l'informatique ou les biotechnologies.

Moins de trois mois après l'audience du 19 février, les neuf juges ont rendu une décision unanime en faveur du puissant Monsanto, qui réclamait 85 000 dollars à un producteur de soja de 75 ans, dont l'avocat avait souligné la «situation désespérée».

Vernon Hugh Bowman, un agriculteur de l'Indiana (nord), était poursuivi par Monsanto pour avoir replanté et cultivé des graines de soja modifiées génétiquement pour résister à l'herbicide que le géant produit également.

L'herbicide Monsanto Roundup tue toutes les mauvaises herbes, mais épargne les semences dont les gènes ont été préalablement transformés.

L'agriculteur avait signé un contrat d'utilisation qui lui interdisait de conserver et de réutiliser ces semences après la récolte, afin de garantir l'achat de nouvelles semences chaque année.

«Je n'ai rien fait de mal», avait-il déclaré le 19 février sur les marches de la haute Cour. «Il n'y a rien d'illégal et (...) aucune menace pour Monsanto».

Ce n'est pas l'avis de la haute Cour, qui a confirmé la condamnation du fermier. La protection intellectuelle «ne permet pas à un agriculteur de reproduire des graines brevetées en les plantant et en les récoltant, sans détenir une permission du propriétaire du brevet», a-t-elle tranché dans son bref arrêt.

«Si l'acheteur de ce produit peut fabriquer et vendre un nombre illimité de copies, alors le brevet ne protégerait l'invention efficacement que pour une seule vente», a estimé la Cour.

«Après avoir acheté des semences pour une seule récolte, Bowman en a gardé suffisamment chaque année pour réduire et éliminer la nécessité d'en acheter davantage. Monsanto détient toujours son brevet, mais n'a reçu aucune rétribution pour la production annuelle de Bowman et la vente de semences traitées au Roundup», a ajouté la Cour.

Vaccins, logiciels, même combat

Le cultivateur affirmait avoir toujours respecté son contrat avec Monsanto, en achetant de nouvelles semences OGM chaque année pour sa culture primaire. Mais à partir de 1999, pour faire des économies, il avait acheté des semences ordinaires auprès d'un producteur local et les avait plantées pour une moisson distincte.

S'apercevant que ces semences avaient développé une résistance à l'herbicide par contamination avec le champ de graines transgéniques, il avait alors répété l'opération de 2000 à 2007 et, «à la différence de sa culture primaire, avait conservé les semences obtenues lors de sa culture secondaire pour les replanter», avait fait valoir Monsanto devant la Cour suprême.

Monsanto était soutenu par le gouvernement américain et à l'audience, plusieurs juges de la haute Cour avaient déjà semblé favorables à leurs arguments.

«C'est insupportable de se dire qu'on ne peut pas vendre un vaccin à un pharmacien sans épuiser tous ses droits sur ce vaccin», avait plaidé Seth Waxman, l'avocat de Monsanto. De la même façon pour les logiciels, «je n'ai pas le droit d'appuyer sur un bouton et faire un million de copies».

«Si le simple fait de copier était autorisé, alors un brevet perdrait toute sa valeur dès la première vente», a abondé la haute Cour, «le monopole du brevet ne serait valable non pas 20 ans (comme la loi le prévoit), mais pour une seule transaction. Et cela résulterait en une baisse d'incitation à l'innovation».