Les leaders évangéliques américains n'en seront pas à leur première journée d'action, de prière et de lobbying à Washington. Ils ont déjà convergé à plusieurs reprises sur le Mall et le Capitole pour exprimer leur opposition à l'avortement et au mariage homosexuel, entre autres questions sociales explosives.

Mais plusieurs d'entre eux retourneront dans la capitale nationale mercredi pour promouvoir une cause qui n'est pas associée à leur courant religieux: la réforme de l'immigration aux États-Unis, où quelque 11 millions de personnes, principalement des Latino-Américains, vivent dans la clandestinité.

«Nos leaders politiques doivent entendre la voix de nos fidèles et de leurs électeurs et savoir que les chrétiens évangéliques les appuieront s'ils ont le courage moral d'agir selon les valeurs énoncées dans Mathieu, chapitre 25, et à plusieurs passages des Écritures concernant l'accueil de l'étranger», a déclaré Richard Land, un responsable de la Convention baptiste du Sud, lors d'une récente conférence téléphonique.

Richard Land est l'une des personnalités évangéliques de droite à l'origine de la Table évangélique sur l'immigration, la coalition de chrétiens conservateurs et progressifs qui participera à diverses activités, mercredi, à Washington. Celles-ci s'inscrivent dans une campagne qui inclut en outre des publicités radiophoniques et un «défi» biblique.

Diffusées jusqu'ici dans cinq États - Caroline-du-Sud, Colorado, Floride, Caroline-du-Nord et Texas -, les pubs radio font entendre des pasteurs plaidant pour une réforme de l'immigration assortie d'une procédure de régularisation et de naturalisation des immigrés en situation irrégulière.

Des «valeurs bibliques»

«Plusieurs de nos voisins sont venus en quête d'occasions», dit David Uth, pasteur d'une église baptiste d'Orlando, dans une des pubs. «Mais notre système d'immigration dysfonctionnel brise des familles et cause de la souffrance. Le Christ nous appelle à la compassion et à la justice», ajoute-t-il, en encourageant les auditeurs à demander aux dirigeants politiques des «solutions en matière d'immigration fondées sur les valeurs bibliques».

Sur son site internet, la Table évangélique sur l'immigration invite les chrétiens à participer à un «défi» consistant à lire 40 passages bibliques en 40 jours «qui se rapportent d'une façon ou d'une autre au sujet de l'immigration». L'un des passages est tiré de l'Évangile selon Mathieu: «Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais étranger et vous m'avez accueilli.»

La campagne de la Table évangélique intervient au moment où un groupe bipartite de sénateurs américains (quatre démocrates et quatre républicains) s'apprête à annoncer un projet de loi sur l'immigration dont la promulgation constituerait un succès majeur du second mandat de Barack Obama. En fait, les détails de cette proposition seront présentés à la veille de la journée d'action de la coalition chrétienne à Washington.

Le risque républicain

Les républicains engagés dans la réforme de l'immigration prennent un risque, tout comme les pasteurs conservateurs qui l'appellent de leurs voeux. Les évangéliques blancs, qui forment la base du Parti républicain, sont les plus réfractaires à la régularisation et à la naturalisation des clandestins, y voyant une forme d'amnistie. Et ils ont plusieurs alliés au Congrès, dont le représentant républicain du Texas Lamar Smith, qui préfère citer les passages bibliques où Dieu commande aux autorités civiques de faire respecter la loi et d'assurer l'ordre.

Mais plusieurs républicains estiment qu'ils n'ont pas le choix de prendre ce risque. Après avoir été rejetés massivement par les Latinos en 2012, ils reconnaissent la nécessité de changer l'image de leur parti au sein de cet électorat en pleine croissance.

«Le statu quo [en matière d'immigration] est horrible pour l'Amérique», a déclaré hier sur NBC Marco Rubio, sénateur républicain de Floride et candidat potentiel à la présidence en 2016.

Les leaders évangéliques en faveur d'une réforme de l'immigration tiennent aussi compte de la réalité démographique. Tout comme certains politiciens républicains, ils ne veulent pas s'aliéner une population en expansion qui, de surcroît, abandonne souvent le catholicisme après deux ou trois générations aux États-Unis.

Et comme dit le Psaume 146, cité dans le «défi» biblique de la Table évangélique sur l'immigration: «Yahvé protège l'étranger, il soutient l'orphelin et la veuve.»