Devant des milliers de manifestants massés en face de l'imposant édifice, la Cour suprême des États-Unis a abordé avec beaucoup de prudence mardi la question ultra-sensible du mariage homosexuel, semblant récalcitrante à trancher immédiatement ce débat historique.

Pendant près d'une heure et demie d'une audience qui doit se poursuivre mercredi, la Cour à majorité conservatrice s'est montrée peu disposée à chambouler l'institution traditionnelle du mariage aux États-Unis, préférant attendre d'en savoir davantage sur les effets du mariage des couples de même sexe, qui n'est autorisé que dans neuf États sur cinquante.

«Le problème avec ce dossier, c'est que vous nous demandez (...) d'aller dans des eaux troubles», a ainsi déclaré le juge Anthony Kennedy, qui fait souvent la différence entre quatre juges conservateurs et quatre autres progressistes.

«Vous nous demandez de prendre une décision et d'évaluer les effets d'une institution, le mariage homosexuel, qui est plus récente que les téléphones portables ou internet», a pointé le juge Samuel Alito, également nommé par un président républicain: «Pourquoi une question de cette importance ne devrait-elle pas être laissée au peuple?»

La question sur la table portait mardi sur l'interdiction du mariage gai en Californie, un dossier qui pourrait ouvrir la voie à la légalisation du mariage des couples de même sexe dans tout le pays.

Dans cet État, où le mariage homosexuel a été brièvement reconnu, les gais et les lesbiennes ne peuvent désormais plus se lier que par un pacte civil. Le mariage leur est interdit par un amendement à la constitution, la «proposition 8», validé par référendum, mais dont l'application a été suspendue par une cour d'appel dans l'attente de la décision de la Cour suprême.

Huit autres États ont voté une union civile pour les couples homosexuels, mais leur interdisent le mariage.

«Les juges ont paru troublés par la "proposition 8" (...), mais ils ont aussi semblé réticents à déclarer catégoriquement que la Constitution impose l'égalité (entre hétérosexuels et homosexuels) devant le mariage», analyse Elizabeth Wydra, avocate du Centre pour le respect de la Constitution.

«Je me demande si ce dossier est suffisant»

Dans la capitale fédérale, plusieurs milliers de partisans et d'opposants au mariage gai avaient bravé le froid tôt mardi pour se rassembler devant la Cour. Certains avaient même campé devant la plus haute instance juridique du pays malgré la neige.

Pour l'acteur et réalisateur américain Rob Reiner, détenteur du premier ticket d'entrée à la Cour, «l'égalité devant le mariage n'est plus la question, maintenant il s'agit de savoir quand» elle aura lieu.

Wendy Wagner, une mère de quatre enfants venue de Virginie (est), estime, elle, que «la famille est le socle de la société».

Un avis qu'a semblé partager le juge ultraconservateur Antonin Scalia lors de l'audience, demandant inlassablement «depuis quand il était anticonstitutionnel d'exclure les homosexuels du mariage».

Arguant d'une «discrimination sur la base de l'orientation sexuelle», l'administration Obama, par la voix de son avocat Donald Verrilli, a réclamé que le mariage gai soit légalisé: «Cela prive les parents de 37 000 enfants de la possibilité de se marier». «Chaque Américain doit pouvoir épouser la personne qu'il aime», avait tweeté lundi Barack Obama.

De leur côté, les défenseurs de la «Prop 8», par la voix de Charles Cooper, ont défendu le mariage traditionnel.

Pour éviter de trancher, la haute Cour pourrait décider que la plainte est irrecevable en raison de l'incompétence juridique des plaignants --les défenseurs de la «proposition 8» qui contestent la décision de la cour d'appel californienne. «Je me demande si ce dossier est suffisant» pour prendre une décision, s'est ainsi interrogé le juge Kennedy.

L'audience se poursuit mercredi avec l'examen de la loi fédérale de Défense du mariage, qui empêche les homosexuels légalement mariés dans neuf États d'être reconnus comme tels au niveau fédéral.