La rumeur veut que Jeb Bush, candidat potentiel à l'élection présidentielle de 2016, ait roulé des yeux en voyant une des couvertures récentes de l'hebdomadaire Time. On y voyait une photo du jeune sénateur de la Floride Marco Rubio, accompagnée d'un titre à la fois flatteur et ronflant: «Le sauveur républicain».

Âgé de 60 ans, le frère cadet du 43e président des États-Unis et fils du 41e répète sur tous les tons qu'il est beaucoup trop tôt pour parler de la prochaine course à la présidence. «Vous êtes des accros au crack», a-t-il dit hier matin sur NBC au journaliste David Gregory, qui lui demandait qui, entre lui et le sénateur Rubio, avait les meilleures chances d'aboutir à la Maison-Blanche.

Blitz médiatique

N'empêche, Jeb Bush apparaît ces jours-ci comme un homme désireux de s'approprier le titre de sauveur républicain. Après avoir lancé mardi dernier un livre sur un sujet qui a contribué à la défaite de Mitt Romney en 2012 - l'immigration -, il a accordé hier matin des entrevues à toutes les émissions dominicales d'affaires publiques aux États-Unis, y compris celle d'Univision, une chaîne en espagnol.

La performance incertaine de l'ancien gouverneur de la Floride jette cependant le doute sur ses chances de succès à titre de candidat présidentiel en 2016. Et s'il était un has been plutôt qu'un sauveur?

Durant la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2012, plusieurs républicains avaient vu en Jeb Bush un chevalier blanc susceptible de sauver leur parti du ridicule. C'était à l'époque où les Herman Cain, Michele Bachmann et Donald Trump devançaient Mitt Romney dans certains sondages.

Laura Bush avait elle-même déclaré publiquement, en janvier 2012, qu'elle et son mari auraient souhaité que Jeb brigue l'investiture républicaine. Mais celui-ci a choisi de passer son tour, ayant peut-être conclu que les Américains n'étaient encore prêts à élire un autre Bush à la Maison-Blanche.

Jeb Bush croit-il qu'ils le seront davantage en 2016? «Je suis fier d'être un Bush», a-t-il déclaré sur Fox News hier matin dans le cadre d'un blitz médiatique que plusieurs analystes ont vu comme une préparation officieuse pour la prochaine course à la présidence. Le hic, c'est qu'il a commis un faux pas dès le départ.

Dans son nouveau livre, Immigration Wars (Les guerres de l'immigration), Jeb Bush a consterné les réformateurs en abandonnant sa position en faveur d'une voie vers la citoyenneté pour les quelque 11 millions d'immigrés illégaux vivant aux États-Unis. Tout au plus se dit-il prêt à leur accorder un statut de résident permanent.

Or, depuis leur défaite de novembre dernier, plusieurs républicains sont désormais prêts à mettre fin au tabou de la naturalisation des immigrés illégaux. C'est notamment le cas du sénateur Rubio, dont les parents sont originaires de Cuba.

La situation ne manque pas d'ironie. Marié à une Mexicaine d'origine et parlant couramment l'espagnol, Jeb Bush a longtemps été à la gauche de son parti sur la question de l'immigration. De toute évidence, il a tenté, dans son livre, de définir une nouvelle position qui serait plus acceptable pour les républicains favorables à l'«auto-expulsion» des clandestins (une solution proposée par Mitt Romney) ou à l'électrification de la clôture à la frontière mexicaine (une idée défendue par Herman Cain). Il n'a évidemment pas pensé qu'il allait être doublé sur sa gauche par Marco Rubio et ses alliés républicains au Sénat.

Volte-face

D'où sa décision de faire une volte-face plus ou moins élégante lors des entrevues qui ont suivi la sortie de son livre, coécrit avec Clint Bolick.

«Si on arrive à mettre dans la loi [la naturalisation] sans que cela ne crée une incitation pour les gens qui viennent dans le pays de façon illégale, alors je suis pour», a-t-il déclaré sur MSNBC.

Jeb Bush parviendra peut-être à faire oublier cet épisode qui le fait paraître comme une girouette. En attendant, sa candidature éventuelle à la présidence fait effectivement saliver plusieurs journalistes américains, qui rêvent déjà à un nouvel affrontement Bush-Clinton, 24 ans après le scrutin opposant George Bush père et Bill Clinton.

Hillary Clinton n'a évidemment pas encore confirmé ses ambitions présidentielles pour 2016. Mais sa popularité ne fait pas de doute, si on se fie à un sondage de l'Institut Quinnipiac publié la semaine dernière. L'ancienne secrétaire d'État américaine bat par au moins huit points de pourcentage les trois républicains choisis dans des matchs fictifs - le gouverneur du New Jersey Chris Christie, le représentant du Wisconsin Paul Ryan et le sénateur Rubio.

Contre Hillary Clinton, Jeb Bush pourrait vraisemblablement éviter d'être qualifié de has been. Mais ce terme pourrait le suivre dans une course à l'investiture républicaine qui l'opposerait aux Christie, Ryan, Rubio et cie.