Chuck Hagel, confirmé mardi par le Sénat à la tête du département de la Défense, est un républicain à la réputation de franc-tireur, qui a réussi à dépasser les attaques de son propre camp l'accusant de ne pas être assez proche d'Israël ou naïf face à l'Iran.

Ancien du Vietnam, réticent à engager l'armée américaine dans des conflits, sa mission principale sera de réduire la voilure du Pentagone.

Agé de 66 ans, cet homme au visage marqué est un adepte du langage direct, un indépendant d'esprit, qui n'a pas hésité à batailler contre son parti à propos de la guerre en Irak.

«Rien dans le serment que j'ai prêté en entrant en fonction ne stipule de prêter allégeance au parti républicain et au président (George W.) Bush», avait asséné le sénateur du Nebraska, à ce poste de 1997 à 2009, pour justifier ses positions.

Deuxième républicain nommé par le président démocrate Barack Obama à la tête du Pentagone après Robert Gates, dont il partage le pragmatisme, Chuck Hagel devra s'attaquer aux coupes d'un budget militaire selon lui «boursouflé», organiser le retrait d'Afghanistan, et surveiller de près la situation en Iran et en Syrie.

Mais sa confirmation par le Sénat n'a pas été une partie de plaisir.

Avant même l'annonce du président Obama, des opposants ont organisé un tir de barrage dans la presse contre le trublion. Accusé de ne pas être toujours aux côtés de l'allié israélien ou de naïveté pour son opposition passée aux sanctions contre Téhéran, il est, pour le Washington Post, «le mauvais choix au mauvais moment».

Certains parlementaires lui reprochent aussi son manque de tact, «la façon dont il exprime ses opinions, pas seulement les positions qu'il prend», explique Michael O'Hanlon, analyste militaire à la Brookings Institution.

Sur le conflit en Irak, celui qui avait fait partie de la liste des vice-présidents potentiels de George W. Bush, avait jugé l'action de l'administration «au-delà de pitoyable» et considéré que l'envoi de renforts à partir de 2007 constituait «la boulette la plus dangereuse en matière de politique étrangère depuis le Vietnam». Cette politique a pourtant finalement permis aux Américains d'inverser la tendance sur le terrain.

Avec son frère au Vietnam

Chuck Hagel a grandi dans la pauvreté avec un père alcoolique et parfois violent, et s'est façonné au Vietnam où il a servi comme sergent dans la même unité d'infanterie que son frère cadet Tom.

Dans la jungle du delta du Mékong, il a été blessé à deux reprises, se voyant décerné autant de médailles Purple Heart.

Tom et Chuck ont chacun sauvé la vie de l'autre. Tom a enrayé l'hémorragie thoracique après que le futur sénateur eut été blessé par du shrapnel, Chuck évacuant un mois plus tard son frère inanimé du blindé en flammes dans lequel il se trouvait et qui avait sauté sur une mine. Chuck Hagel en gardera la cicatrice d'une méchante brûlure au visage.

De retour du Vietnam, il enchaîne les petits boulots avant de décrocher un emploi dans l'équipe d'un sénateur du Nebraska, où il se fait remarquer.

A l'arrivée de Ronald Reagan au pouvoir, au début des années 80, il devient numéro deux du ministère des Anciens combattants et n'hésite pas à démissionner pour dénoncer les coupes dans les pensions des vétérans. Il passe alors dans le privé, créant une société de téléphonie mobile qui le rendra millionnaire.

Au Sénat, où il est membre de la commission des Affaires étrangères, Chuck Hagel se lie d'amitié avec le républicain John McCain, le démocrate Joe Biden, ou encore Barack Obama qu'il accompagne lors de visites de terrain en Irak et en Afghanistan.

Il envisage un temps de briguer la présidence en 2008 pour finalement refuser de soutenir John McCain, dont les positions va-t-en-guerre le répulsent. Il se dira même prêt à former un ticket avec le candidat Obama si on lui proposait.