Les pays qui collaborent avec les États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme pourraient se retrouver sur la sellette s'ils transmettent des renseignements menant à des frappes de drones illégales.

La question n'a rien de théorique puisque de hauts responsables anglais sont actuellement poursuivis en Grande-Bretagne relativement à une opération dévastatrice survenue en 2011 dans les zones tribales du Pakistan.

Une frappe orchestrée par la CIA contre un groupe de chefs tribaux qui cherchaient à résoudre un différend commercial a fait des dizaines de victimes, dont Malik Daud Khan.

Le fils de ce ressortissant pakistanais a déposé l'an dernier une poursuite contre des responsables d'un centre de surveillance électronique anglais avec l'aide d'ONG locales. Ils les accusent de s'être rendus complices de meurtres.

Aide indirecte

Sa démarche repose notamment sur un article de journal relatant que le centre en question utilisait des interceptions téléphoniques pour aider les autorités américaines à localiser des militants islamistes au Pakistan et en Afghanistan.

La poursuite allègue que les États-Unis ne sont pas en guerre au Pakistan et que ceux qui collaborent avec le programme de drones ne peuvent bénéficier de l'immunité réservée aux combattants.

Le gouvernement anglais a soutenu qu'il ne pouvait «confirmer ou démentir» les affirmations contenues dans la requête sans compromettre la sécurité nationale et ses relations «vitales» avec des partenaires internationaux.

Le tribunal de première instance a rejeté la demande de la famille de Malik Daud Khan en faisant valoir notamment que les employés du centre de surveillance ne peuvent savoir comment les renseignements colligés vont être utilisés et ne peuvent être tenus responsables à ce titre des conséquences.

La décision, qui sera portée en appel, a suscité beaucoup d'intérêt en Grande-Bretagne, relate Chris Woods, un journaliste du Bureau of Investigative Journalism, à Londres.

L'usage de drones armés dans un contexte de guerre ne suscite pas de polémique, mais le soutien anglais à un programme «d'assassinats ciblés» est absolument «anathème» au sein de la population, dit-il.

Et le Canada?

Le Canada n'est pas à l'abri d'une controverse comme celle-là en raison de ses liens étroits avec les États-Unis.

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dispose, par exemple, d'agents déployés sur le terrain susceptibles de recueillir des informations jugées «sensibles».

Dans son rapport public 2010-2011, l'organisation relève que ses agents en Afghanistan aidaient «les alliés à combattre l'extrémisme lié à la région» et fournissaient «des renseignements qui ont contribué à y assurer la sécurité des Canadiens, de leurs alliés et des citoyens afghans».

Le SCRS refuse de dire s'il dispose d'une politique précise relativement aux frappes de drones américaines, et s'est contenté de renvoyer La Presse à une section de son rapport annuel sur «l'échange responsable».

Le document relève que «l'échange d'informations comporte sa part de risques». «La priorité du SCRS est de ne jamais être complice, directement ou indirectement, de mauvais traitements infligés à une personne», soulignent les auteurs, en insistant sur le fait que les transferts de renseignements sont régis par des normes et des directives «strictes».

Le programme de drones américain a reçu une attention particulière la semaine dernière lors de l'audience au Sénat du candidat proposé par l'administration américaine pour diriger la CIA, John Brennan.

Il a assuré à cette occasion que le programme était légal et faisait «très rarement» des victimes innocentes, ce que contestent les organisations de défense des droits de la personne.