Les États-Unis ont le droit de conduire une opération meurtrière à l'extérieur du pays à l'encontre d'un citoyen américain quand il s'agit d'un responsable du réseau Al-Qaïda, selon un document confidentiel du ministère de la Justice rendu public mardi.

Ce document de 16 pages, dévoilé par la chaîne NBC, justifie pour la première fois l'élimination de citoyens américains, en particulier dans des frappes de drones, contestée devant des tribunaux par des organisations de défense des droits de l'homme.

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Il souligne que les États-Unis ne violent ni la Constitution ni les lois fédérales en tuant un ressortissant américain quand il représente une menace imminente d'attaques violentes pour le pays et que sa capture n'est pas réalisable.

Sa publication intervient à deux jours de l'audition au Sénat du chef du contre-terrorisme de la Maison-Blanche, John Brennan, en vue de sa confirmation en tant que nouveau directeur de la CIA.

John Brennan a joué un rôle clé dans la campagne de tirs de drones américains, qui a été lancée en 2004 mais s'est largement intensifiée sous la présidence Obama.

Un groupe de sénateurs républicains et démocrates vient d'écrire à Barack Obama en vue de l'audition de M. Brennan pour réclamer la publication des documents juridiques autorisant Washington à tuer des citoyens américains.

«C'est vital que le Congrès et le public américain aient une totale compréhension de la manière dont l'exécutif interprète les limites et les frontières de son autorité», écrivent les élus.

Le document publié mardi, qui résume un mémo juridique de 50 pages resté classifié, est intitulé: «De la légalité d'une opération meurtrière contre un citoyen américain qui est un haut dirigeant opérationnel d'Al-Qaïda ou d'une de ses filiales». Le ministère de la Justice s'est refusé à tout commentaire.

«Frappes éthiques»

Réagissant à ce document, la Maison-Blanche a défendu les frappes de drones comme étant «nécessaires pour empêcher les menaces en cours, arrêter les projets d'attentats, prévenir de futures attaques et sauver des vies américaines».

«Ces frappes sont légales, éthiques et sages», a déclaré Jay Carney, porte-parole de la Maison Blanche.

Selon le document, un responsable «de haut niveau et informé» peut décider que l'individu pris pour cible pose «une menace imminente d'attentats violents contre les États-Unis» s'il s'est seulement «récemment» impliqué dans de telles activités et qu'il n'y a pas de preuve qu'il y ait renoncé.

Il est publié sur fond de controverse sur les frappes de drones américains au Pakistan et au Yémen. Parmi les attaques les plus critiquées, celle qui a conduit à la mort de l'imam radical Anwar Al-Aulaqi, ressortissant américain, et de deux autres Américains, abattus par un drone au Yémen en 2011.

L'Union américaine des libertés civiles (ACLU), le New York Times et le Centre pour la défense des droits constitutionnels ont attaqué l'administration Obama en justice dans cette affaire. Deux recours sont actuellement examinés en appel à New York et Washington.

Ce document «est profondément troublant», a déclaré Hina Shamsi, directrice de l'ACLU sur la sécurité nationale. «Il est difficile de croire qu'il a été rédigé dans une démocratie bâtie sur un système d'équilibres et de contrôles. Il résume en des termes froids la toute puissance stupéfiante de l'exécutif».

Dans un entretien exclusif à l'AFP, le secrétaire à la Défense sortant Leon Panetta a expliqué vendredi que les attaques de drones constituaient «une partie importante» des opérations américaines contre Al-Qaïda et devaient «continuer d'être un outil».