Le nouveau secrétaire d'État américain John Kerry a été chaleureusement accueilli lundi au département d'État où il devrait appliquer sa feuille de route, de l'Iran à la Chine en passant par le dossier israélo-palestinien et la sécurité du premier réseau diplomatique de la planète.    

Devant des centaines de fonctionnaires réunis dans le grand hall de ce gigantesque ministère de 70 000 personnes, M. Kerry s'est gardé de tout discours de politique générale et a préféré faire de l'humour sur ses prédécesseurs Hillary Clinton et Condoleezza Rice et livrer des anecdotes sur son enfance à Berlin.

«La diplomatie est dans mes gènes», a lancé ce fils de diplomate lors de sa première prise de parole publique après avoir été investi vendredi soir en remplacement de Mme Clinton.

Le 68e secrétaire d'État n'a quasiment rien dit de ses priorités, mais il avait déjà exposé sa feuille de route lors de son audition de confirmation devant le Sénat le 24 janvier : tenter de résoudre le casse-tête du nucléaire iranien, essayer de relancer le processus de paix entre Israël et les Palestiniens, resserrer les liens avec la Chine et lutter contre le changement climatique. La guerre en Syrie, l'antiterrorisme en Afrique du Nord et au Sahel ou la Corée du Nord figurent aussi en bonne place sur le bureau du nouveau ministre.

«Tout ce que je ferai sera centré sur la sécurité et la sûreté» des 275 postes américains dans le monde, a assuré M. Kerry, le département d'État étant traumatisé par l'attaque armée contre son consulat à Benghazi (Libye) le 11 septembre, qui a coûté la vie à son ambassadeur et à trois autres agents américains.

Signe que le Proche-Orient sera l'une de ses priorités, M. Kerry a téléphoné ce week-end au président israélien Shimon Peres, au premier ministre Benyamin Nétanyahou et au président palestinien Mahmoud Abbas, a annoncé dimanche la porte-parole du département d'État Victoria Nuland. M. Kerry a fait part de son intention de rencontrer «rapidement» M. Abbas pour discuter du processus de paix bloqué depuis septembre 2010, selon un porte-parole du président palestinien.

À vélo dans Berlin-Est

Jouant sur un registre personnel, M. Kerry a aussi brandi devant ses nouveaux employés son premier passeport diplomatique reçu lorsqu'il était enfant et avait traversé l'Atlantique en 1954 jusqu'au Havre, pour aller vivre en famille à Berlin, coupée en deux en pleine Guerre froide.

«Faire du vélo dans Berlin était mon passe-temps, ma passion et (...) grâce à mon passeport je passais dans le secteur Est, le secteur russe, qui me frappait par sa dureté et sa désolation», a raconté cet homme de 69 ans, qui demeure sensibilisé aux relations transatlantiques.

Faisant plusieurs traits d'humour, il s'est ensuite interrogé en riant : «Un homme peut-il diriger le département d'État?», après les empreintes laissées par les hyperactives Hillary Clinton et Condoleezza Rice, qui ont sillonné la planète ces huit dernières années pour défendre les valeurs et les intérêts des États-Unis.

M. Kerry a aussi fait plusieurs fois le tour du monde et accumulé une solide expérience internationale grâce à 28 années au Sénat, dont les dernières à la tête de la commission des Affaires étrangères. Il s'est rendu en Afghanistan, au Pakistan, en Égypte, en Israël, à Gaza, en Syrie, en Jordanie, au Darfour, à Pékin...

Le poste de secrétaire d'État est une consécration pour celui qui se targue d'avoir «la diplomatie dans le sang», un héros du Vietnam devenu un sceptique de l'interventionnisme militaire et un vieux routier de la politique.

M. Kerry est aussi le plus «français» des dirigeants américains : francophone et francophile, il a passé nombre d'étés dans une maison familiale à Saint-Briac, en Bretagne, au milieu de ses cousins, dont l'écologiste français Brice Lalonde.