La secrétaire d'État rock star Hillary Clinton a quitté le pouvoir vendredi avec la conviction d'avoir redoré le blason de l'Amérique et remodelé sa politique étrangère, autant d'atouts pour une course à la Maison-Blanche en 2016 sur laquelle cette bête politique reste évasive.

La chef de la diplomatie américaine est sortie de la scène au sommet de sa popularité après avoir défendu pendant quatre ans, partout dans le monde et avec une indéfectible loyauté, une diplomatie orchestrée par le président Barack Obama et ses conseillers.

Mais si des experts et diplomates lui reconnaissent un professionnalisme, une énergie et un charisme «exceptionnels» pour avoir porté les valeurs et les intérêts de la première puissance mondiale, ils ont plus de mal à lui attribuer des succès personnels majeurs ou des échecs retentissants.

À l'heure de vanter son bilan, cette brillante avocate qui fut Première dame, sénatrice et candidate aux primaires démocrates en 2008, s'est offert un concert de louanges pour sa dernière semaine: bain de foule et ovations au département d'État, dîners mondains, conférences, entretiens à la presse et même interview avec M. Obama qui l'a désignée «parmi les meilleurs secrétaires d'État» de l'histoire des États-Unis.

Alors Mme Clinton a confié avoir «le coeur lourd» en laissant une administration de 70 000 personnes qui font tourner le premier réseau diplomatique de la planète, avec 275 postes.

Elle s'est dite «extrêmement fière» d'avoir été le porte-voix de la «nation indispensable», d'une «Amérique aujourd'hui plus forte chez elle et mieux respectée dans le monde» grâce à une «manière différente de faire de la diplomatie».

Elle a rappelé l'héritage du président George W. Bush lorsque M. Obama lui confie le département d'État en janvier 2009: «Deux guerres, une économie en chute libre, des alliances effilochées, une stature diplomatique abîmée et beaucoup d'interrogations dans le monde sur les valeurs de l'Amérique».

Quatre ans plus tard, elle se targue d'avoir «revitalisé la diplomatie américaine et consolidé ses alliances» et d'avoir apporté sa pierre aux retraits d'Irak et bientôt d'Afghanistan, à l'élimination de Ben Laden, à l'intervention en Libye, au soutien au Printemps arabe, à l'isolement de la Corée du Nord et de l'Iran, au rééquilibrage vers l'Asie ou au resserrement des liens avec l'Europe, l'Amérique latine et l'Afrique.

Peu de marge de manoeuvre

«En 2009, tout était à reconstruire, l'Amérique sortait d'une décennie horribilis (...) Elle a restauré l'image des États-Unis dans le monde, c'est incontestable», juge un diplomate occidental.

L'ancien ambassadeur américain en Israël, Martin Indyk, admire aussi «la force de la politicienne Clinton, qui a réhabilité les relations extérieures de l'Amérique avec les dirigeants, comme avec les peuples».

Avec un record de 112 pays visités, adulée au Kosovo, au Cambodge, en Inde ou au Malawi, cette adepte de la «diplomatie d'influence (...) est une rock star dans sa façon de vouloir s'afficher partout, apportant énormément à un président qui n'a ni le temps, ni le goût pour le faire comme elle», analyse M. Indyk, consultant à la Brookings Institution.

Inlassable avocate des droits des femmes et des homosexuels, du développement, de la santé ou des libertés sur internet, Mme Clinton part pourtant sans avoir accroché son nom à un grand dossier diplomatique.

Aux yeux du professeur Aaron David Miller, du Wilson Center, c'est parce que M. Obama lui a laissé peu de marge de manoeuvre et que «jamais depuis Richard Nixon un président n'a autant contrôlé la politique étrangère».

Hillary Clinton est toutefois beaucoup plus populaire que son président, avec 69 % d'opinions favorables, ce qui persuade un peu plus le tout-Washington de sa candidature à la présidentielle de 2016.

Cette semaine, elle a réussi à éluder toutes les questions sur son avenir politique, assurant ne penser, pour l'heure, qu'à «rattraper ses 20 ans de sommeil perdus».

«Si elle décide d'y aller, elle sera imbattable aux primaires démocrates», pense le diplomate, qui voit cependant «deux freins» à sa course: «la tache politique de l'affaire Benghazi, et sa santé». À 65 ans, Mme Clinton a reconnu être «épuisée» et a passé le Nouvel An à l'hôpital pour un caillot de sang dans le crâne après une commotion cérébrale.