Deux ans après la balle qui lui a traversé la tête, mais laissé la vie, Gabrielle Giffords arrive en boitillant devant ses ex-collègues du Congrès américain. Elle articule difficilement, mais suffisamment pour les tancer de leur inaction sur les armes à feu : «Soyez courageux!».

Accueillie par une salle silencieuse, debout, Gabrielle Giffords lit une courte déclaration à la première audition parlementaire sur les armes, organisée après la fusillade du 14 décembre dans l'école de Newtown, où 20 enfants ont été abattus.

> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu

«Parler m'est difficile, mais je dois dire quelque chose d'important», débute Gabrielle Giffords, toujours marquée par les séquelles de la fusillade de janvier 2011 dont elle fut la cible. La démocrate a depuis quitté la Chambre des représentants. Aujourd'hui, son bras droit semble paralysé et son mari, l'ex-astronaute Mark Kelly, doit lui tenir le gauche pour la conduire à son siège.

«Vous devez agir. Soyez audacieux! Soyez courageux! Les Américains comptent sur vous», lance ensuite l'ex-élue en serrant le poing. Puis son mari la raccompagne doucement à l'extérieur de la salle.

Mais sans surprise, ce «quelque chose» diffère de celui préconisé par le puissant Wayne LaPierre, qui dirige la National Rifle Association (NRA), assis quelques mètres derrière.

Le lobbyiste dirige la NRA depuis plus de 20 ans et n'en est pas à sa première audition.

«Contente de vous revoir», lui dit, ironique, Dianne Feinstein, la démocrate honnie des conservateurs qui avait réussi, en 1994, à imposer une interdiction de dix ans des armes d'assaut. Elle tente aujourd'hui de réimposer cette prohibition, mais nombre de ses collègues doutent de son utilité. De fait, peu d'études ont conclu à son efficacité ou son inefficacité sur la criminalité armée en général.

«On ne peut pas vivre dans une société totalement armée»

«Il est temps d'envelopper immédiatement nos enfants d'une couverture de sécurité» en plaçant des gardes armés dans les écoles, insiste Wayne LaPierre, reprenant l'argument majeur des défenseurs des armes : interdire les armes n'empêche ni les criminels ni les fous de s'en procurer ou de s'en servir.

Mais «que faites-vous des centres commerciaux, des cinémas, des entreprises? On ne peut pas vivre dans une société totalement armée», répond Dianne Feinstein plus tard.

Pressé par un autre démocrate, Wayne LaPierre est forcé de répondre à la question à laquelle il ne voulait initialement pas répondre : non, la NRA n'est pas favorable à ce que 100 % des ventes d'armes fassent l'objet d'une vérification d'identité et d'antécédents judiciaires.

Aujourd'hui, la loi fédérale n'oblige que les armuriers à consulter le fichier central du FBI avant une vente. Or 40 % des armes sont vendues dans des foires ou par des vendeurs occasionnels, une énorme faille qu'une majorité d'Américains souhaite combler. Certains États l'ont fait, mais pas tous.

Ce ne sont pas les propositions de loi qui manquent, s'inspirant de lois strictes votées dans quelques États : punir les personnes qui achètent des armes pour d'autres; interdire le trafic entre États; et interdire les chargeurs à haute capacité similaires à celui utilisé par Jared Lee Loughner. Le 8 janvier 2011, à 10 h 10 à Tucson dans l'Arizona, le jeune homme avait été maîtrisé au moment où il voulait recharger. Mais il avait déjà tiré 33 balles en 15 secondes, et tué six personnes.

S'il n'avait eu qu'un chargeur de 10 balles, «Christina-Taylor Green serait vivante aujourd'hui», imagine Mark Kelly en parlant de la fillette de neuf ans tuée par la balle numéro 13.

Mais le républicain Lindsey Graham avait une autre histoire à raconter, celle d'une mère de famille assaillie dans sa maison, mais qui n'avait qu'un revolver de six balles pour se défendre. Et s'il y avait eu deux agresseurs?

«Dans certaines circonstances, un fusil AR-15 est parfaitement logique».